Dans la vie d’un homme, les années de jeunesse, de formation intellectuelle et professionnelle comptent beaucoup. Pour Bonaparte, jeune Corse arrivé sur le continent et souvent en bute à l’hostilité de ses contemporains, les moments passés à Autun (entre janvier et avril 1779) et encore plus à Brienne (jusqu’en octobre 1784), puis à l’École militaire de Paris pendant un an et à Auxonne, expliquent en partie son caractère et ses aptitudes militaires.
À sa sortie de l’école militaire, Bonaparte est affecté au régiment de La Fère du corps royal d’artillerie en garnison à Valence. Il y parvient le 3 novembre 1785. Il obtient vite un premier congé pour retourner dans sa famille à Ajaccio où il arrive le 15 septembre 1786. À l’issue, il passe par Paris pour redemander un deuxième congé qui lui est accordé, lui permettant de refaire le voyage en Corse. Mais au printemps 1788, l’officier n’a plus le choix : il doit réintégrer son unité qui, depuis décembre 1787, est désormais à Auxonne.
L’arrivée
C’est donc officiellement le 15 juin 1788 (1) que le lieutenant en second « Napolionne de Buonaparte » du régiment de La Fère, arrive à Auxonne. C’est en terre bourguignonne qu’il doit y perfectionner son métier d’artilleur. Il est affecté au 2e bataillon, à la compagnie de bombardiers de La Groshyère en garnison à l’École royale d’artillerie. Sa chambre est installée au troisième étage du « Pavillon de la Ville », au numéro 16, escalier 1, côté sud, donnant sur la ville. Arthur Chuquet précise que sa « chambre qui n’avait qu’une fenêtre, était simplement meublée, un lit, une table, un fauteuil, six chaises de paille et une chaise de bois » ajoutant que « le climat d’Auxonne ne lui convint pas tout d’abord. Les marais des alentours, les nombreuses inondations de la Saône, les vapeurs pestilentielles de l’eau qui remplissait les fossés des remparts, rendaient la ville très insalubre, et dans l’été 1783, une épidémie que le général Du Theil qualifie d’affreuse avait atteint tous les soldats et presque tous les officiers. Napoléon eut une fièvre continue qui l’assiégeait quatre jours durant, le lâchait quatre jours, puis le reprenait. Ce mal l’affaiblit et lui donna le délire. Les derniers mois de 1788 ne furent pour lui qu’une longue convalescence. » Le chirurgien-major Bienvelot, originaire de Metz, licencié en médecine, le guérit et au printemps 1789, il est totalement remis.
Ses premières activités
La ville compte environ 3 600 habitants auxquels il faut ajouter plus d’un millier d’élèves, d’artilleurs et d’officiers. Il prend son repas (souvent unique dans la journée) chez la veuve du traiteur Dumont, rue de la Saône (2) et a pour habitude de boire un verre de lait au café en face de sa caserne. Parfois, il se contente de déjeuner chez « une bonne femme qui demeurait dans la maison Bauffre, et qui lui préparait de la bouillie de maïs » (3) ce que, dans la région et en Franche-Comté, on appelle des « gaudes ».
La majeure partie de son temps, Bonaparte continue à s’instruire à cette arme savante qu’est l’artillerie. Il suit notamment les cours de mathématiques de Jean-Louis Lombard (1723-1794) et de son fils Jean-Marie.
La formation intellectuelle du lieutenant en second Bonaparte comprend aussi des cours de mécanique, de dessin, de balistique, de fortifications, de physique, de stratégie et de tactique. Surtout, comme à son habitude, il lit beaucoup.
Près d’Auxonne, sur la rive droite de la Saône, les officiers s’exercent aux tirs polygone de Tillenay sous le contrôle du maréchal de camp du Theil de Beaumont (1722-1794), commandant de l’école (4). Du Theil a repéré le jeune Corse et, en août 1788, l’a ainsi nommé représentant des lieutenants en second à la commission devant étudier la possibilité de tirer des bombes avec des pièces de siège. Après les essais au polygone de Tillenay, Bonaparte rédige le procès-verbal des expérimentations et, apparemment, cet écrit, clair et précis, impressionne le directeur de l’école d’artillerie. Parfois, les officiers se font de petites plaisanteries. Bonaparte est désigné pour commander au polygone lors de la visite du prince de Condé. Mais certains bouchent toutes les lumières des canons. Heureusement, le lieutenant en second s’en aperçoit et rétablit la lumière : les exercices de tir peuvent commencer sans souci. Une autre fois, un « vieil officier supérieur d’artillerie » commande l’exercice du canon. Il suit les coups avec sa lorgnette et assure qu’on va loin du but. En fait, les jeunes officiers escamotent le boulet à chaque fois qu’on charge. Le vieil officier s’en doute, fait compter les boulets, découvre la fraude, rit... et ordonne la mise aux arrêts de tous les lieutenants farceurs.
À Auxonne, comme à Brienne, on apprend aussi à vivre en société, à se respecter, on s’instruit sur les règles de savoir-faire. C’est que l’officier ne doit pas simplement être un soldat, mais aussi un homme du monde. Il doit acquérir une véritable instruction : français, grammaire, écriture, sciences, dessin, histoire, mathématiques, langues étrangères, art de la fortification, mais également équitation, danse, gymnastique, natation, escrime, tenue, savoir-vivre, chant ou encore musique.
Certes, Bonaparte est souvent isolé, assez reclus sur lui-même, fréquentant peu ses camarades. Néanmoins, c’est lui qui est désigné par les autres lieutenants et lieutenants en second pour écrire le projet de constitution du règlement de « La Calotte », société régissant la vie et les relations entre ces officiers.
Bonaparte ne reste pas uniquement à Auxonne. Outre les tirs au polygone de Tillenay, il a l’occasion de quitter la ville, pour son service comme pour ses distractions. Ainsi, il se retire souvent en dehors de la cité, près de la petite chapelle Notre-Dame de la Levée (Villers-les-Pots, sur la route de Dijon), afin de se promener et lire toute la journée, seul, tranquille, sans voisin, ni bruit. Il médite au calme près de la petite fontaine de l’Ermitage qui existe toujours à l’orée du bois. Il va aussi se baigner dans la Saône. Il manque même s’y noyer, ayant été pris d’une crampe. Il perd connaissance, coule et est entraîné par le courant jusque sur un banc de sable. Il reprend ses esprits alors que sa tête émerge. Seul, il parvient à revenir sur la rive et est aidé par ses camarades inquiets de ne plus le voir. Là, il aurait vomi avant de se rhabiller et de revenir à la caserne sans dommage. Une autre fois, des amis officiers l’emmènent avec eux faire du patin à glace sur les douves gelées. Fatigué, il abandonne le jeu assez vite tandis que ses deux compères continuent. La glace se brise et les patineurs périssent. Cela aurait pu être le sort de Bonaparte. Enfin, un autre jour, ayant agacé des camarades lors d’une discussion sur les bords de la rivière, ils l’empoignent et font mine de le jeter dans l’eau.
C’est aussi à Auxonne que Bonaparte a certainement son seul combat en duel, avec un Dolois, Louis Denis Catherin (dit Denis) Grosey (1750-1817) qui le blesse d’un léger coup d’épée. Plus tard, lorsque Bonaparte devient Premier Consul, Grosey lui écrit afin de lui demander un emploi, précisant : « Si tu ne me reconnais pas, tu te rappelleras du jeune Dolois qui t’a donné un coup d’épée, sur le rempart du Cygne à Auxonne. » Napoléon le nomme président du tribunal de Lure en Haute-Saône et procureur impérial à Belfort.
Lectures et rencontres
Il lit souvent dans sa chambre, écrit, réfléchit, prend des notes. Ses lectures principales portent sur le métier d’artilleur bien sûr, mais aussi sur l’Antiquité, l’histoire, la géographie, la philosophie, l’histoire naturelle, la religion, Tacite, Montaigne, Corneille, Racine, Voltaire, Montesquieu, Tite-Live, Platon, l’abbé Raynal, Bernardin de Saint-Pierre... Il va consulter le journal au bureau du directeur des postes Lardillon. L’agent comptable des vivres Bersonnet met à sa disposition sa bibliothèque. Il est placé aux arrêts pendant une journée et une nuit. Enfermé, il trouve un livre sur place, Le Digeste et se met à le lire entièrement. À la fin de la sanction, il est tout étonné d’être déjà libre, n’ayant jamais cessé de lire et ne voyant pas le temps passer. Il se souvient tellement de cette lecture forcée que lors d’une séance du Conseil d’Etat visant à rédiger le Code civil, il en prononce des passages complets.
Il sort parfois rencontrer les notables locaux. Il est ainsi reçu chez M. et Mme Lombard, chez le directeur de l’arsenal et de l’artillerie de Bourgogne Laurent Pillon d’Arquebouville – rue du Chénois (5) –, dans les salons de madame de Berbis (chez elle à Auxonne ou encore à une dizaine de kilomètres de là, dans son château des Maillys) et chez le maréchal de camp du Teil dans son hôtel particulier (6). Il fréquente aussi le commissaire des guerres Jean-Marin Naudin, dont l’épouse a vécu quinze années en Corse. Lors de ces soirées, on échange, on parle littérature, mais on joue aussi au loto.
En 1901, dans son discours de réception à l’Académie des sciences, belles lettres et arts de Besançon, Gaston de Beauséjour évoque les festivités au château de Pesmes en Haute-Saône à environ 18 km d’Auxonne) ajoutant : « À ces fêtes étaient aussi invités parfois les jeunes officiers des garnisons voisines. Parmi ceux qui assistèrent aux bals donnés au château de Pesmes, il en est un que nous devons signaler en passant, bien que rien alors ne le désignât à l’attention du public. C’était un jeune sous-lieutenant d’artillerie de la garnison d’Auxonne, destiné à faire grand bruit dans le monde, il se nommait Bonaparte. » Plus tard, le Dr Bourdin, ancien maire de Pesmes, précise que Bonaparte est alors hébergé dans la famille de son « ami Agnus » (7) de Dole dont la sœur Anne Charlotte habite Pesmes. Le lieutenant en second ne serait pas uniquement venu pour les fêtes au château mais peut-être également pour « la grâce et la beauté » de trois sœurs Perrin.
Parfois, Bonaparte va sur Dole ou sur Authume (une dizaine de kilomètres de sa garnison) où il est reçu par le chevalier Masson d’Authume, propriétaire du château d’Authume et capitaine d’une compagnie de canonniers au régiment d’Auxonne. Il se rend également à Villers-Rotin, sur la route de Dole, où il retrouve une jeune fille nommée Marie Merceret, son aînée de six ans, sous un gros tilleul planté à l’occasion de la naissance de Louis XIII en 1601 près de l’église (8).
Mouvements révolutionnaires
Son service l’amène aussi à Seurre en avril 1789 afin de réprimer une révolte locale. À vingt ans, en l’absence de son capitaine et du lieutenant en premier, c’est lui qui est chargé de conduire un détachement de cent soldats. Il garde son sang-froid et empêche tout conflit qui aurait pu dégénérer. Face aux émeutiers, s’appuyant sur ses maigres troupes, Bonaparte lance : « Que les honnêtes gens rentrent chez eux, je n’ai ordre de tirer que sur la canaille. » Devant cette démonstration de force, refusant d’être assimilée à de la canaille, la foule se disperse et chacun rentre chez soi. Le détachement reste à Seurre pendant presque deux mois afin de sécuriser la ville. Durant ce séjour, Bonaparte est invité à dîner par le gouverneur d’Auxonne Claude de Thiard de Bissy, en son château de Pierre-de-Bresse. Il ira fêter Pâques 1789 chez M. Prieur, receveur du grenier à sel.
Cinq jours après la prise de la Bastille, une émeute éclate à Auxonne. La maison du receveur est pillée. Des bandes insurrectionnelles parcourent la ville. C’est encore à Bonaparte que l’on confie le soin de ramener le calme. Il commande 450 soldats et aurait harangué les insurgés pendant trois quarts d’heure. La révolte cesse et l’on arrête trente-trois meneurs qui sont mis au cachot.
Ayant bénéficié d’un nouveau congé, Bonaparte quitte Auxonne dans les premiers jours de septembre 1789. De nouveau, il fait prolonger ce séjour ajaccien et ne revient en Bourgogne que le 10 février 1791. Il emmène avec lui son jeune frère Louis avec qui il partage sa chambrée numéro 10 qui, cette fois-ci, se situe au 2e étage côté nord (donc donnant sur la cour de la caserne et non plus sur la ville), escalier 3. C’est cette chambre que l’on visite désormais, avec deux pièces et, dans l’une, un lit, une petite table, une écritoire, une cheminée et quelques affaires (9). D’après les notes du fripier Gavet qui achète par la suite une partie de l’ameublement ayant été fourni par la ville d’Auxonne pour les casernes, les « meubles de la chambre de M. Bonaparte » comprenaient une commode en bois de chêne à deux tiroirs, une table à quatre pieds, pareillement en chêne, à un tiroir, une paire de chenets en fonte, avec pelle et pincettes, puis une cuvette octogone, en faïence, avec son pot. Le futur roi de Hollande, Louis Bonaparte fait sa première communion à Auxonne, avec l’abbé Morelet.
La Lettre à Buttafoco
C’est à Ajaccio, plus précisément dans la résidence de campagne de la famille Bonaparte, les Millelli, qu’il écrit sa Lettre de M. Buonaparte à M. Buttafoco, député de Corse à l’Assemblée nationale, attaquant le député de la noblesse de Corse Mattéo Buttafoco. Le Club patriotique d’Ajaccio l’encourage à la publier. De retour à Auxonne, Bonaparte cherche donc un imprimeur. On lui conseille d’aller à Dole, à quinze kilomètres de sa garnison, rencontrer Joseph-François-Xavier Joly (1750-1844), un Nancéien qui s’était fixé dans l’atelier typographique de Dole en 1784 et avait épousé la fille de Jean-François Daclin, héritier d’un atelier d’imprimerie qui fonctionnait à Besançon depuis 1712.
Joly fait le récit de ses rencontres avec l’officier d’artillerie : « Bonaparte vint un jour chez moi d’Auxonne (10), à 8 h du matin. Il était vêtu d’une carmagnole et d’un pantalon de toile blanche rayée de bleu, chapeau rond, me proposer de lui imprimer sa Lettre à Buttafoco. M’ayant remis le manuscrit dont le corps n’était pas de sa main, mais seulement beaucoup de corrections, je le lui fis signer, nous ne convînmes d’aucun prix. Il me demanda le jour où il devait revenir pour vérifier l’épreuve de la première feuille d’impression : il dit qu’il y arriverait à 8 h du matin. Deux jours après, précisément à cette heure, Bonaparte était dans ma chambre. Il lut l’épreuve sans s’asseoir et ne voulut prendre qu’un doigt de vin, malgré mes instances. Il me demanda encore le jour fixé où il devait revenir, à la même heure, pour voir le reste des épreuves ; il ajouta qu’il amènerait son jeune frère, qui était curieux de voir comment on imprimait. Il repartit tout de suite, parce qu’il devait être présent à Auxonne à 11 h précises. Deux jours après, Bonaparte et son jeune frère Louis (alors âgé de 9 à 10 ans) étaient à l’imprimerie à 8 h, vêtus de la même toile rayée, en pantalon et carmagnole.
Quelques moments après arriva l’abbé Jantet (11), mon ami, professeur de mathématiques au collège de Dole (duquel j’ai imprimé les Leçons de mécanique), nous déjeunâmes ensemble. Bonaparte se contenta d’un morceau de galette et d’un verre de vin ; il parla mathématiques avec le professeur, dit peu sur les affaires du temps ; mais ce qu’il en dit était comme les sommaires d’un livre ; il donnait matière à deviner sa pensée. Il nous dit que son frère Louis avait beaucoup de goût et de facilité pour les mathématiques, et qu’il connaissait déjà les équations du 1er, du 2e et même du 3e degré. Pendant que Bonaparte lisait rapidement l’épreuve de son opuscule, l’abbé Jantet fit plusieurs questions mathématiques au jeune Louis qui répondit pertinemment, en achevant de déjeuner mieux que son frère. Bonaparte et Jantet causèrent encore un moment, et témoignèrent qu’ils étaient contents l’un de l’autre. Les deux frères repartirent à pied comme ils étaient venus, pour arriver le même jour à midi à Auxonne, heure fixée (8 lieues de poste dans une matinée). “Je vous reverrai bientôt pour mon ouvrage sur la Corse” me dit Bonaparte en partant. Je lui expédiai les cent exemplaires de son opuscule qu’il m’avait demandés. Quelque temps après, j’eus l’occasion d’aller à Auxonne avec un ami. Pendant que celui-ci vaquait à ses affaires, j’allai voir Bonaparte, logé aux casernes. Il y occupait deux chambres blanchies à la chaux, quatre chaises en paille, une grande table (sur laquelle était étalés divers plans, des ouvrages de tactique, des livres et des instruments de mathématiques), une mauvaise commode et un petit miroir sur la cheminée composaient l’ameublement de la 1re chambre ; un lit sans rideaux dans lequel couchaient les deux frères, deux chaises et une petite table, voilà les meubles de la seconde chambre ; en tout, l’exigu d’un mobilier de casernes. J’avais cependant remarqué une espèce de coffre garni de clous jaunes. “Vous ne devineriez pas, si je ne vous le disais, me dit Bonaparte, ce que renferme ce coffre ? Nous avons renvoyé notre aumônier ; on m’a confié le calice, le ciboire et tous les ornements sacerdotaux : j’ai tout ce qu’il faut pour vous dire la messe.” Il ouvrit alors la malle pour me faire voir ces objets. Il appela son jeune frère qui était dans la chambre à coucher où il étudiait : “Louis, connais-tu monsieur ?” Comme le jeune homme hésitait en me regardant : “Comment ! Tu ne reconnais pas celui qui t’a fait manger d’un si bon gâteau !” “Ah ! c’est M. Joly.” Puis il vint m’embrasser. Bonaparte me dit qu’on attendait de jour en jour des ordres de départ et que c’était la raison pour laquelle il n’était pas encore revenu à Dole ; que cependant, il ne serait pas parti sans causer encore avec moi et avec l’abbé Jantet dont il faisait grand cas. Il me proposa de dîner avec lui dans sa pension, ce que je ne pus accepter, et me paya en assignats de 5 livres, dits corsets (12), ce qu’il me devait, et après m’avoir encore parlé de son ouvrage à imprimer et donné quelque témoignage de satisfaction, il me serra la main, son jeune frère m’embrasse de nouveau et je les quittai. Je n’ai jamais revu Bonaparte que lors de son passage à Dole, allant à Marengo. Je le vis d’assez près, mais je ne lui parlai pas. »
En définitive, le pamphlet de vingt et une pages était imprimé à cent exemplaires par Joly mais sans mention ni d’imprimeur, ni de date. Simplement, au-dessous de la signature de Buonaparte, est inscrit : « De mon cabinet Demillelli, le 23 janvier l’an second. » On peut imaginer que cela signifie que le manuscrit a été achevé le 23 janvier 1791 (deuxième année de la liberté acquise en 1789), juste avant le départ d’Ajaccio pour le continent.
Le futur empereur a également prévu de faire imprimer chez Joly une Histoire politique de l’île de Corse en deux volumes, mais le projet ne se concrétise jamais.
Dans les environs
Même si son séjour de 1791 est bref, Bonaparte se montre actif, tant dans son régiment que pour des visites alentours. On sait par exemple qu’il se rend à plusieurs reprises à Nuits-Saint-Georges où le capitaine Gassendi, qui vient de se marier, l’a invité à souper. Avec Alexandre des Mazis, il va aussi visiter la fonderie de canons d’Ignace de Wendel au Creusot et Montcenis (13). Il se rend enfin le 23 mai 1791 à l’abbaye de Citeaux.
Peu après, Bonaparte quitte Auxonne le 14 juin 1791 pour se rendre au 4e régiment d’artillerie en garnison à Valence en qualité de lieutenant en premier. Il serait brièvement revenu à Auxonne dans les derniers jours du mois d’août 1793 lorsque, capitaine, il a pour mission d’accélérer des envois de poudre de Vonges destinés à l’armée. Il y revient une dernière fois, le 8 mai 1800, alors qu’il se rend par la Suisse sur l’Italie où cette deuxième campagne va déboucher sur la victoire de Marengo. Comme à son habitude, il n’y reste qu’un court moment (deux heures seulement) et la population vient le voir et parler avec lui dans la grande salle de la direction de l’artillerie.
(1) L’ancien maire d’Auxonne, Claude Pichard, rédacteur en 1857 d’un petit ouvrage sur Napoléon Bonaparte à Auxonne, donne, lui, la date du 1er mai 1788.
(2) Actuellement 5, rue de Vauban
(3) Claude Pichard, Napoléon Bonaparte à Auxonne, p. 19.
(4) Napoléon se souvient du général du Theil jusqu’à Sainte-Hélène. Dans son testament, l’Empereur lègue au « fils ou petit-fils du baron Duteil, lieutenant-général d’artillerie, ancien seigneur de Saint-André, qui a commandé l’école d’Auxonne avant la Révolution, la somme de 100 000 francs, comme souvenir de reconnaissance, pour les soins que ce brave général a pris de nous, lorsque nous étions comme lieutenant et capitaine sous ses ordres ».
(5) Actuellement 2 bis, rue Carnot.
(6) 25 de l’actuelle rue Thiers.
(7) Il s’agit soit de Jean-Pierre Étienne (né en 1765), soit de son frère Jean-Baptiste Bonaventure (né en 1779), tous deux de Dole et fils de Jean-Baptiste Agnus.
(8) Par la suite, Marie Merceret épouse M. Paperet. Elle garde une bague en argent et un foulard que lui a donné le jeune lieutenant Bonaparte.
(9) L’adjudant-chef Hardy, sous-officier traditions, fait visiter la chambre pour les groupes et sur demande. Véritablement passionné par ce séjour de Bonaparte à Auxonne, il ponctue ses visites par de nombreuses anecdotes, montre la bibliothèque, la chambre occupée par Napoléon et Louis Bonaparte en 1791, puis la salle traditions du 511e régiment du Train des équipages.
(10) Joly habite alors au 44, rue de Besançon à Dole.
(11) Antoine François Xavier Jantet (1747-1805), professeur aux Orphelins de Dole en 1768, puis au collège royal de l’Arc en 1773, plus tard nommé professeur à l’École centrale du Jura en 1797 et professeur de mathématiques transcendantes au lycée de Besançon en 1802. Se rappelant de lui, Napoléon lui aurait proposé un siège à l’Institut, mais la modestie de l’abbé Jantet l’oblige à refuser.
(12) Du nom du signataire des assignats.
(13) Claude Pichard indique que ces visites ont lieu en décembre 1789.
Bibliographie
Arthur Chuquet, La jeunesse de Napoléon, Armand Colin, 1898. I Julien Feuvrier, Napoléon Bonaparte à Dole, Librairie ancienne Honoré Champion éditeur, 1911. I Claude Pichard, Napoléon Bonaparte à Auxonne, X.-T. Saunié, 1857.
Les cours chez les Lombard
Dans le rapport qu’il établit en 1789, l’inspecteur général de l’artillerie La Mortière écrit : « Je viens de citer à l’instant le professeur de mathématiques chargé de l’instruction théorique. Il en est peu qui possède autant de talents pour conduire les jeunes gens aux connaissances sublimes des mathématiques, il ne se borne pas aux démonstrations publiques des salles ; il tient chez lui des conférences auxquelles les jeunes gens qui veulent acquérir des connaissances plus étendues se rendent et beaucoup en savent profiter. Il les conduit souvent sur le terrain pour y faire l’application des principes de géométrie à la levée des plans et aux tracés des fortifications de campagne. »
Ses principaux amis
Les principaux amis et collègues de Bonaparte sont Alexandre des Mazis (qui a déjà été son camarade à l’École militaire de Paris puis en garnison à Valence), son capitaine Jean Jacques Basilien Gassendi, futur général et inspecteur général de l’artillerie, le futur général puis préfet du Morbihan Joseph-Louis-Victor Jullien de Bidon, le capitaine (et futur général) Jacques Marie Charles de Drouas de Boussey, Jean André Louis Rolland de Villarceaux (futur préfet du Tanaro, des Apennins puis du Gard), le futur premier inspecteur de l’artillerie Jean Barthélemot de Sorbier, David Victor Belly de Bussy (qu’il nommera colonel d’artillerie et aide de camp en 1814 après la bataille de Craonne), le chevalier Jacques Philippe François Masson d’Authume, capitaine qui émigre en 1792 et que le Premier Consul nommera conservateur de la bibliothèque de l’École d’application de l’artillerie et du génie de Metz en 1803, Jean Baptiste Le Lieur de Ville-sur-Arce (futur intendant général des parcs et jardins de la Couronne) ou encore le Dolois Claude-Joseph de Malet, frère du futur conspirateur de 1812, capitaine qui démissionnera en 1792 pour ne pas servir la Révolution.
La statue par Jouffroy
Outre la chambre du lieutenant Bonaparte, la ville d’Auxonne possède toujours, sur la place d’armes, une belle statue de Bonaparte, due à François Jouffroy, inaugurée le 20 décembre 1857. Le socle s’orne de quatre bas-reliefs de bronze représentant chronologiquement quatre épisodes historiques : le lieutenant Bonaparte méditant sous un arbre, le général Bonaparte au pont d’Arcole, le Premier consul présidant une séance au Conseil d’État et enfin le Sacre de Napoléon.
Comentários