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Beethoven et Napoléon

Ludwig van Beethoven est né le 15 (ou 16 ou 17) décembre 1770, à Bonn, cité rhénane dépendant de l’Électorat de Cologne, il y a exactement deux cent cinquante ans. Il meurt le 26 mars 1827, à Vienne. Même s’il n’a jamais rencontré Napoléon, il lui est lié par son œuvre, particulièrement la fameuse troisième symphonie, dite « Héroïque », qui aurait dû être dédiée à « Bonaparte » avant que le compositeur ne change d’avis. Peu connu en France avant la chute de l’Empire, il ne s’y impose qu’après le Congrès de Vienne qui est sa véritable heure de gloire.



À l’avènement de Bonaparte, alors qu’il jouit déjà d’une forte notoriété en Autriche, Beethoven n’est connu et apprécié en France que par une poignée d’initiés. Quel que soit le genre, la vogue est et reste encore longtemps à Haydn, Méhul, Cherubini, Gossec, Paisiello, Le Sueur et Mozart (encore que ses opéras soient rectifiés avant d’être donnés), mais aussi aux presque oubliés Spontini, Catel, Berton, Boieldieu ou Grétry. Dans les grandes institutions et dans la presse, on soutient bien sûr de préférence la musique française mais on commence aussi à tenir compte des goûts « italiens » du chef de l’État. Si Napoléon a probablement entendu un peu parler de Beethoven, il est douteux qu’il n’ait jamais entendu une de ses œuvres.


Un compositeur presque inconnu en France

Comme le compositeur rhénan ne s’est jamais produit à Paris, il faut pour le connaître que ses partitions soient disponibles chez les marchands de musique. Ce n’est qu’au début des années 1820 que leur importation, notamment celle des symphonies, deviendra systématique. Jusqu’alors, on peut sporadiquement acheter quelques compositions pour piano et petits ensembles.


La première mention de Beethoven dans la presse française spécialisée date du 14 janvier 1799. Publiée dans le Journal typographique et bibliographique, une annonce signale, sans plus de précisions, la publication de la partition de « six trios », à l’initiative du compositeur Ignace Pleyel. Neuf mois plus tard, cette fois pour un public plus large, le Journal de Paris prévient ses lecteurs que l’on peut acquérir pour 1,50 F la partition d’une « sonate à quatre mains pour le clavecin ou forté-piano, composée par Louis Vanbee-Thoven » (sic). Pour l’ensemble de la période napoléonienne, une quarantaine de partitions sont ainsi commercialisées en France, soit une infime partie des trois ou quatre centaines de compositions alors achevées par Beethoven.


À cette époque, sa musique symphonique est quasiment ignorée. Très coûteux à produire et donc réservée aux élites, ce genre est pourtant devenu plus « populaire » depuis la Révolution, grâce à la multiplication des exécutions publiques, parfois données dans les parcs devant une grande foule. Créée en 1799, la société des « concerts de la rue de Cléry », qui offre ce type de productions, devient rapidement célèbre dans toute l’Europe, tandis que les grands théâtres, comme l’Odéon (théâtre de l’Impératrice à partir de 1804) et l’Opéra, s’y essaient aussi de temps en temps avec succès. Mais Gossec, Haydn, Méhul et Mozart restent les compositeurs les plus attendus d’un public dont l’oreille n’est pas encore prête au choc des compositions de Beethoven.


Une petite percée a lieu toutefois, grâce au Conservatoire impérial de musique et de déclamation (la cohabitation entre les deux expressions artistiques subsistera jusqu’en 1945). En 1800, le compositeur Bernard Sarrette en obtient la direction et installe l’institution dans les locaux de l’ancienne École royale de chant, 11 rue du Faubourg-Poissonnière. Pour la musique, un prestigieux comité d’enseignement est constitué, avec comme membres Gossec, Mehul, Cherubini et Catel. Parmi la cinquantaine de professeurs (pour quatre cents élèves), on relève les noms de Kreutzer (violon), Paër (composition), Crescentini (chant), Rode (piano). Au printemps 1806, Sarrette crée un orchestre des élèves et le place sous la direction du violoniste François-Antoine Habeneck (1781-1849) : c’est sous sa baguette que les symphonies de Beethoven sont pour la première fois jouées en France, à l’occasion des « exercices publics » donnés par soixante à soixante-dix jeunes musiciens.


Le 22 février 1807, Habeneck dirige la première symphonie, composée sept ans plus tôt. Il reproduit l’expérience chaque année jusqu’à la chute de l’Empire, pour une ou deux après-midis des dimanches consacrés aux exercices. La troisième symphonie est ainsi donnée pour la première fois en France, le… 5 mai 1811, dix ans avant un autre événement de grande ampleur. Outre cette « symphonie de M. Bethowenn » (sic), on donne ce jour-là du Dussek, du Catel, du Méhul et du Gossec. Habeneck se montre prudent avec cette nouveauté qu’il encadre d’œuvres plus consensuelles.


Il en est bien inspiré. Restées confinées à quelques centaines d’auditeurs – une nouvelle salle, de mille places n’est disponible qu’en juillet 1811 –, ces exécutions provoquent en effet dans le sérail quelques débats enflammés. Les uns jugent absurde que le Conservatoire adopte « les bizarreries » et les « amas d’accords barbares » de cette « harmonie tudesque », tandis que d’autres, moins nombreux, y voient le renouvellement du « génie germanique » à la suite « de l’immortel Haydn ». L’avis général est que tout ceci est « barbare, sauvage, délirant et inexécutable » (Théophile Gautier). Quant à la presse grand public, elle essaie surtout de promouvoir la symphonie française, notamment au travers de Méhul, qui en compose six dont deux inachevées. Elle ne se préoccupe guère de l’irruption de Beethoven, sinon pour signaler qu’il figure au programme des élèves du Conservatoire sans faire suivre l’annonce d’aucun compte rendu dans les jours suivants. Le maestro en est sans doute déçu car il a beaucoup aimé la France et sa Révolution.


Beethoven, la Révolution et Bonaparte

Installé à Vienne, alors capitale européenne de la musique, depuis 1792, Beethoven mène depuis cette époque une fulgurante carrière d’interprète et de compositeur. On se l’arrache dans les salons de l’aristocratie et d’importantes personnalités lui accordent leur soutien financier. Son art, ici complètement reconnu, sa virtuosité au piano et quelques dédicaces bien calculées pour ses plus belles compositions font oublier son mauvais caractère et sa liberté d’esprit. On ne doit toutefois pas faire grand cas de son attrait passager pour la Révolution française. Il appellera ces quelques années sa « fièvre révolutionnaire »… que d’ailleurs il réserve avec prudence à sa correspondance privée.


On le voit toutefois beaucoup à l’ambassade de France après la paix de Campoformio, exécutant quelques performances au piano pour Bernadotte. Mais qu’on ne se trompe pas : il privilégie toujours le service de la monarchie habsbourgeoise, soutenant musicalement l’effort de guerre de l’Autriche en composant marches et cantates à la demande. Tout au long de sa vie, il est un ardent patriote « allemand », ce qu’il faut comprendre ici comme un partisan de la domination des Habsbourg-Lorraine sur l’espace germanique. Par nécessité, il est aussi un exceptionnel chasseur de mécène (il en trouve beaucoup) et de postes (il n’en a jamais eu que de provisoires et de subalternes). On ne peut obtenir de succès dans ces domaines qu’en ne se faisant pas trop remarquer politiquement.


N’empêche qu’après avoir suivi de loin Bonaparte pendant la campagne d’Italie, il se réjouit de son accession au pouvoir. Il voit en lui l’homme providentiel qui parviendra à dompter la Révolution. Mais sa correspondance indique qu’après avoir beaucoup espéré en lui, il se montre très déçu par la signature du Concordat… mais sans aller jusqu’à une rupture qui, en l’espèce, ne peut être que morale et à distance. Il faut croire qu’il se remet de sa déception puisque qu’il essaie d’attirer l’attention de Bonaparte, peut-être pour obtenir à Paris les fonctions importantes qu’il n’obtient pas à Vienne.


Première étape, fin 1802, achevant la composition de la Sonate pour piano et violon n° 9, il en change la dédicace : d’abord dédiée au violoniste anglais Georges Bridgetower, elle l’est au Français Rodolphe Kreutzer (1766-1831), rencontré chez Bernadotte et que le compositeur sait très en vue dans la France consulaire. Dans la foulée, il annonce à ses amis qu’il entreprend, d’une part, l’écriture d’un opéra « sur un vieux livret français » (Fidelio) et, d’autre part, une symphonie, cette fois clairement dédiée à Bonaparte.


Commencée en 1802, achevée en mai 1804, exécutée en avant-première dans une propriété d’un de ses protecteurs, le prince de Lobkowitz, cette troisième symphonie est créée en public en avril 1805 au Théâtre An der Wien, sous la direction du maestro en personne. Elle est publiée à la fin de 1806, avec une dédicace au prince-mécène, sous le titre Sinfonia Grande – Eroica – per festeggiare il sovvenire di un grand Uomo (« Grande Symphonie – Héroïque – pour célébrer le souvenir d’un grand Homme »). Bonaparte a disparu de la dédicace et du titre.


« L’affaire » de l’Héroïque

À l’origine pourtant, comme annoncé, le Premier consul est bien mentionné. On possède un manuscrit de la main de Beethoven, daté du 26 septembre 1804 (après l’achèvement de la composition), portant pour titre : Sinfonia Grande-Bonaparte. Le fait est confirmé par les Mémoires de Ferdinand Ries, son élève, qui voit les brouillons de l’œuvre avec cette mention. Le même raconte comment son maître change d’avis, anecdote cent fois répétée depuis. Apprenant que Bonaparte s’est fait proclamer empereur et envisage de se faire couronner, il se serait écrié : « Ce n’est donc rien de plus qu’un homme ordinaire ! » Il aurait alors déchiré le brouillon de la page de titre et en aurait recommencé un autre, avec la mention Sinfonia Eroica. Les faits, signalés dans les mêmes termes par d’autres témoins, semblent établis. Ils sont considérés comme authentiques par les grands biographes de Beethoven. La proclamation de l’Empire et l’idée du Sacre provoquent bien la rupture… ce que ni Napoléon, ni personne en France évidemment ne sait à l’époque, sans quoi la représentation de 1811 n’aurait probablement jamais eu lieu.


Quant au « Grand Homme » dont la troisième symphonie célèbre le souvenir, il n’est pas sûr qu’il s’agisse de Napoléon, comme on le dit habituellement. Dans une étude approfondie datant de 1998, l’historien autrichien Walther Brauneis a en effet avancé de façon crédible que la dédicace finale, celle qui figure d’ailleurs sur la partition imprimée fin 1806, visait le prince Louis-Ferdinand de Prusse, tué par un hussard français à Saalfeld, le 10 octobre précédent. Beethoven l’ayant plusieurs fois rencontré à Vienne et le prince lui ayant marqué beaucoup d’intérêt. Le compositeur est, qui plus est, dans sa période de détestation de Napoléon. Il confie à un proche, au moment de la campagne de Prusse : « Quel dommage que je ne m’y connaisse pas en stratégie comme en musique ! Sinon, je le battrais ».

Il tente pourtant de se « réconcilier » avec cet ennemi. En 1809, lors de la seconde occupation de Vienne, il confie à l’un de ses amis français, l’auditeur au Conseil d’État Trémont, qu’il ne refusera pas d’être convoqué par l’Empereur qui logeait à la Hofburg ou à Schönbrunn. Il n’obtient pas l’audience rêvée, malgré – semble-t-il – une intervention de Cherubini. Ni en 1805, ni en 1809, l’Empereur n’a souhaité rencontrer Haydn, alors qu’il a pour lui une grande admiration : il n’a donc sans doute pas le temps de recevoir ce musicien-là.


Triomphe au Congrès de Vienne

Beethoven ne travaillera jamais pour Napoléon, comme il l’a probablement espéré. Il aurait pu cependant passer au service d’un Bonaparte lorsque Jérôme de Westphalie lui propose de devenir son maître de chapelle, avec un traitement conséquent. Un moment tenté, le compositeur refuse finalement la proposition. Cassel ne vaut pas Paris. L’épisode a pourtant pour lui une suite bénéfique. Inquiet de le voir succomber au chant des sirènes westphaliennes, ses mécènes, l’archiduc Rodolphe (frère de l’empereur François), les princes Kinsky et Lobkowitz lui constituent une jolie rente annuelle pour qu’il reste à Vienne. C’est là qu’il poursuit la construction de son œuvre.


À la chute de l’Empire, Beethoven est âgé de quarante-cinq ans. Il passe pour un des grands artistes patriotes allemands. Il vient de composer une symphonie en deux mouvements intitulée Symphonie de bataille sur la victoire de Wellington à Vittoria (décembre 1813) et une œuvre pour chœurs et orchestre, La Renaissance de l’Allemagne, exécutée le 11 avril 1814 à Vienne, pour célébrer la prise de Paris. Il a dirigé en personne ses symphonies lors des cérémonies des retours de François Ier et de Metternich, puis pour l’arrivée dans la capitale autrichienne de Frédéric-Guillaume de Prusse et d’Alexandre de Russie venant participer au Congrès qui doit refonder l’Europe après vingt-trois ans de guerres ininterrompues.


Pendant les neufs mois que dure l’événement, Beethoven est au four et au moulin. On pourrait dire que le Congrès de Vienne vit à ses rythmes, nouveaux et insolites pour bien des contemporains. Il présente pour commencer la version définitive de son Fidelio (la première version, en 1805, a été un four). Le 24 novembre 1814, il crée Le Glorieux moment, cantate patriotique pour quatre voix, chœurs et orchestre, dont le texte de Aloys Weissenbach (son chirurgien !) n’est que louanges pour les faiseurs de paix, programme tout entier contenu dans la première phrase : « L’Europe est debout ! »


Pour le remercier, la municipalité le nomme bourgeois honoraire de la ville de Vienne. Cinq jours plus tard, il dirige sa septième symphonie dans la salle des Redoutes, devant environ 6 000 spectateurs. Le concert fut continué par la Victoire de Wellington. Pour l’occasion, Antonio Salieri dirigea la cannonade, Hummel les percussions et Meyerbeer (alors âgé de 15 ans) la machine à produire le bruit du tonnerre. Et pour finir, on redonna Le Glorieux moment. Beethoven se produisit encore le 25 décembre à la Hofbourg pour un concert de Noël. Le 1er janvier, mille instrumentistes étaient sous sa baguette pour une autre grandiose prestation symphonique, toujours aux Redoutes. Le 25 janvier suivant, à la suite d’un concert au piano devant les souverains, le tsar et la tsarine Élisabeth (dont c’était l’anniversaire) se montrèrent si aimables et généreux que le maître composa une Polonaise pour piano (op. 89) dédiée à l’impératrice. Il présenta plus tard son Chant élégiaque pour voix et quatuor à cordes et sa 27e sonate pour piano. Chaque jour, il recevait des cadeaux, en nature et en espèces, des hommages et des demandes de visites. Il encaissait aussi certaines recettes de ses concerts, sorte de privilège que lui avait accordé son empereur.


Son ami et biographe Anton Schindler estima que le Congrès fut « l’année merveilleuse » de Ludwig van Beethoven. Le paradoxe veut qu’elle ait été celle de la déconstruction de l’œuvre de Napoléon Bonaparte que le compositeur avait adulé puis détesté et enfin recherché parce qu’il voyait peut-être en lui « l’homme du destin ». L’auditeur Trémont, rencontré plus haut, écrira : « La grandeur de Napoléon l’occupait beaucoup et il m’en parlait souvent. Au milieu de sa mauvaise humeur, je voyais qu’il admirait son élévation ». En 1821, d’ailleurs, apprenant la mort de l’Empereur à Sainte-Hélène, il se rappellera que, même dédiée à Louis de Prusse, c’est en pensant à Napoléon qu’il avait composé L’Héroïque. Parlant de la marche funèbre du deuxième mouvement, il confia à un ami : « Il y a dix-sept ans que j’ai écrit la musique qui convient à ce triste événement ».


La dédicace

Apprenant la proclamation de l’Empire, Beethoven déchire la page de titre qu’il avait préparée… Alors comment expliquer que soit conservée au Archives de la Société philarmonique de Vienne une partition de L’Héroïque où le nom de Bonaparte a été rageusement biffé, jusqu’à faire un trou dans le papier. Il semble bien qu’il s’agisse d’une copie contemporaine, qui n’est pas de la main du compositeur mais dont on peut supposer qu’elle était destinée à être envoyée… à Napoléon. Cette copie fut conservée par Beethoven qui s’en servit afin d’inscrire des corrections postérieures. Quant à la rature, les spécialistes pensent qu’elle est bien postérieure et pas de son fait. En clair : la copie est vraie et la rature est (probablement) fausse.


Napoléon et la musique

Tous les témoignages concordent : Napoléon chante faux. On en a parfois déduit qu’il n’a pas l’oreille musicale et qu’il se désintéresse de cet art dont il estime pourtant dans un de ses écrits de jeunesse qu’il « console, réjouit, ébranle agréablement » (Discours de Lyon, 1791). On ajoutera que seul le compositeur André Grétry a droit à quelques considérations dans le Mémorial de Sainte-Hélène et les autres témoignages de l’exil. Napoléon fait pourtant beaucoup pour la musique, notamment l’art lyrique. Outre qu’il assiste à de très nombreuses représentations d’opéras, voire de concerts instrumentaux, il a dans ce domaine une véritable politique, organisant les institutions, donnant des moyens financiers, stimulant les artistes, accueillant à Paris les compositeurs étrangers – surtout italiens car il est très friand de leurs travaux –, commandant des œuvres, entretenant plusieurs institutions musicales au sein de sa Maison. De nombreux musiciens entrent dans la Légion d’honneur comme Paisiello (compositeur de la messe du Sacre), Gossec (dont l’essentiel de la carrière a eu lieu avant l’Empire), Méhul (son opéra Joseph connaît un succès international), Grétry (véritable idole en son temps). Le Viennois Salieri, le Munichois Winter, le Romain Zingarelli et le Napolitain Paisiello (après qu’il a quitté Paris en 1804, déçu de l’insuccès de son opéra Proserpine) sont correspondants étrangers de l’Institut et Josef Haydn en est membre d’honneur. Ce dernier a une aura immense, dans toute l’Europe et en France. Napoléon en est, lui aussi, grand amateur. C’est par exemple en allant assister à la première parisienne de son oratorio La Création qu’il est visé par l’attentat à la « machine infernale » de la rue Saint-Nicaise (25 décembre 1800) et ce sont ses messes qui accompagnent de nombreuses célébrations aux Tuileries. Napoléon ne le rencontre pas, bien qu’il vive à Vienne pendant les deux occupations françaises. Le sachant malade, il fait cependant garder sa maison par un détachement d’honneur de la Garde impériale en 1809, afin qu’il ne soit pas dérangé. Ses obsèques, le 15 juin 1809, apparaissent comme une sorte de passation de réputation, puisqu’on y joue, en présence de nombreux généraux et officiers français, le Requiem de Mozart.


Des élites musiciennes

En ce temps-là, le seul moyen d’entendre de la musique chez soi est d’en jouer ou de faire venir des musiciens. Après les instruments comme le violon (dont joue bien sûr le peintre Ingres, mais aussi les maréchaux Gouvion Saint-Cyr et Bernadotte) ou la flûte, le piano (qui permet de produire individuellement des harmonies) confirme son entrée à la cour et dans les intérieurs des notables : le facteur Sébastien Érard en vend des quantités énormes qu’il produit dans deux fabriques parisiennes, exemple suivi à partir de 1809 par Ignace Pleyel. La musique « familiale » est très répandue : il n’est pas rare que les enfants entourent leurs parents lors de petits concerts pour les amis, à l’instar de ceux qu’organise Joséphine à Malmaison. On interprète alors des chansons dont les partitions se vendent à l’unité ou des morceaux de circonstance pour célébrer les succès du régime. Le seul Daniel Gottlieb Steibelt (1765-1823), par ailleurs compositeur d’opéras, de ballets et de concertos, en crée plusieurs à l’occasion de Marengo ou d’Austerlitz. Aujourd’hui bien oublié, il est souvent interprété dans les familles. Il finit sa vie comme maître de la chapelle de l’empereur de Russie et passe longtemps pour un rival de Beethoven dont l’étoile commence à monter. Les notables composent aussi. La reine Hortense est en ce domaine la « musicienne » de la famille impériale. Une soirée bourgeoise ne peut se concevoir sans de belles notes produites par des musiciens ou la fille de la maison qui entonne quelque chant à la mode. Les sœurs de l’Empereur montrent parfois l’exemple, suivies par les courtisanes, comme Mmes Ney, Junot et Rémusat. Les hommes n’hésitent pas non plus à pousser la romance ou le chant guerrier, tels Eugène de Beauharnais, Charles de Flahaut ou le général Junot.

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