Comme toujours quand il s’agit de grandes découvertes, elles sont précédées par de nombreux travaux et essais dont Henri Giffard (Paris 1825-1882) peut bénéficier et en assurer le développement et les applications avec succès grâce à son génie inventif, pendant toute la période du Second Empire, et au-delà.
Abel Douay / conseiller de la rédaction
Parmi les précurseurs auxquels nous rendons hommage, citons le physicien français des Lumières, Jean-François Pilâtre de Rosier (1754-1785), scientifique auquel on doit le premier vol habité, le 19 octobre 1783 (2), ascension avec son compagnon André Giroud de la Vilette, de 100 m en ballon captif à air chaud, mis au point par les frères Étienne et Joseph Montgolfier (3). Compagnon de Pilâtre de Rosier, André Giroud de la Villette (1752-1887) devait écrire de façon prédestinée : « Je me suis trouvé, presque dans l’intervalle d’un quart de minute, élevé de 400 pieds de terre… Je me suis convaincu que cette machine peu dispendieuse serait très utile dans une armée pour découvrir la position de celle de son ennemi, ses manœuvres, ses marches, ses dispositions, et de les annoncer par des signaux aux troupes alliées de la machine. » L’expérimentation est bientôt suivie du premier vol libre habité rendu possible par la mise au point d’une galerie permettant aux premiers aéronautes – Pilâtre de Rosier à nouveau, accompagné cette fois par le marquis François d’Arlandes – de prendre place le 21 novembre 1783. Ils partent du château de la Muette à Paris, pour atterrir quelques kilomètres plus loin, à la Butte aux Cailles.
Premiers vols habités de l’histoire
Coiffés au poteau par les deux aventuriers, c’est le 1er décembre 1783 qu’un réel premier voyage aérien habité est réalisé grâce à la collaboration scientifique des frères Robert, ingénieurs et aérostiers, qui ont construit avec le scientifique Jacques Charles, le premier ballon contenant 380 m3 de gaz d’hydrogène, technologie très avancée pour l’époque. Lors de ce premier vol habité, par Charles et son copilote Nicolas Robert, le ballon parti du Jardin des Tuileries a volé à près de 3 000 m et parcouru, en 2 h, 44 km pour atterrir dans le Val d’Oise. Le 15 juillet 1784, les frères Robert expérimentent un ballon de forme elliptique allongée pour l’enveloppe d’hydrogène, comme les dirigeables qui devaient lui succéder. Ils volent pendant 45 mn, de Saint-Cloud à Meudon. L’aérostat est équipé d’un appareil de direction constitué par une combinaison de rames pour la propulsion et la direction qui se révélèrent inutiles.
Le 19 septembre de la même année, les frères et M. Collin-Hullin volent pendant 6 h 40 min, couvrant 186 km, de Paris à Beuvry. C'est le premier vol de plus de 100 km. L’année suivante, le 15 juin 1785, Pilâtre de Rosier et son compagnon d’infortune Romain, à bord d’un ballon gonflé à l’hydrogène, s’écrasent au sol à Wimereux, à 300 m de la côte, où ils trouvent la mort dans leur tentative de traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre.
À quelque chose, malheur est bon
Si quelquefois l’infortune nous procure des avantages, comme l’entend le proverbe, c’est le cas de ces différentes tentatives, entre succès et échecs. En effet, nous retenons que c’est le Comité de salut public qui crée la première compagnie d’aérostiers, en avril 1794 et qu’apparaît pour la première fois dans l’histoire de l’aérostation, au cours de la bataille de Fleurus. Le 26 juin, l’emploi d’un ballon d’observation militaire espion retenu au sol par un câble, l’Entreprenant, gonflé à l’hydrogène, gaz inflammable. Nul doute que la reconnaissance du dispositif des coalisés par deux aérostiers placés dans la nacelle et transmettant les indications au commandement français, participe à la victoire décisive française face aux troupes autrichiennes. Toutefois, la production d’hydrogène exige la construction d’un four spécial, un temps de gonflage conséquent, un encombrement du train de transport, autant d’inconvénients peu compatibles avec la rapidité exigée pour les opérations militaires, aussi Napoléon Bonaparte ne fait pas appel aux aérostiers (4). Néanmoins, il reconnaît les mérites de l’inventeur du ballon à air chaud et décora joseph Montgolfier de la Légion d’honneur, à l’occasion de la première remise de cette distinction, le 15 juillet 1804 et le nomme ensuite directeur du Conservatoire des Arts et Métiers en 1807.
L’avenir des aérostats semble bien compromis. On peut signaler néanmoins que Napoléon-Louis Bonaparte, frère aîné du futur Napoléon III, a entrepris de savantes recherches qui l'ont conduit à l’invention d’un procédé de trempe de l’acier. Il nous reste un mémoire qu’il a rédigé en vue d’exploiter cette découverte adaptée à la direction des aérostats. C’est en 1828, avant son affiliation au carbonarisme et sa participation aux soulèvements de l’Italie centrale contre la papauté.
L’audace folle de Henri Giffard
Inventeur français oublié des dictionnaires historiques ou ne bénéficiant que d’une brève occurrence dans les dictionnaires généralistes, Henri Giffard fait ses études classiques au collège Bourbon. Il se passionne pour les chemins de fer naissants et entre aussitôt dans les ateliers de chemin de fer de Saint-Germain en Laye où il est employé comme conducteur de locomotives, situation modeste mais en accord avec sa passion irrésistible pour la mécanique . Il poursuit seul et parallèlement sa formation, par la pratique jointe à l’étude qu’il fit dans sa jeunesse des cahiers de jeunes amis qu’il avait à l’École centrale. C'est là l’unique concours qu’il obtient pour acquérir les principes indispensables des sciences.
Il fait ses premières ascensions en ballon à l’âge de dix-huit ans et fabrique des moteurs à haut rendement dès 1849. L’année suivante, il imagine un nouveau système d’injecteur pour les chaudières mais ne peut le réaliser de façon industrielle, faute de moyens. Le 20 août 1851, il dépose un brevet sur l’application de la vapeur à la navigation aérienne, en collaboration avec l’École centrale. Il a le premier l’audace de s’élancer dans les airs, le 24 septembre 1852, à bord d’un ballon dirigeable de 2 500 m3, ayant une longueur de 44 m, doté d’une hélice et d’un gouvernail, propulsé un moteur de trois chevaux-vapeur, chauffée par une chaudière à charbon embarquée. Un vol propulsé et contrôlé de 28 km, de Paris à Élancourt, prouve qu’il est possible de manœuvrer un dirigeable dans le ciel et de lutter contre le vent, mais les dangers encourus par le voisinage du moteur à vapeur placé sous le ballon n’encouragent pas les aéronautes suivants à risquer leur vie. Il reçoit, pour cet exploit, une médaille de vermeil « Premier vol d’un ballon dirigeable équipé d’un moteur, 24 septembre 1852 ». Parmi les spectateurs, ce jour-là, figure Émile de Girardin, rédacteur en chef de La Presse. Enthousiasmé par ce qu’il a vu, il écrit un article demandant que le gouvernement accorde dix millions pour le progrès de la navigation aérienne. Les machines à vapeur à haute pression et à grande vitesse ont eu un grand succès à l'exposition de Londres en 1852 et à celle universelle de Paris en 1855, mais le nom de Giffard n'est pas associé à celui du constructeur. Il ne fait entendre aucune réclamation, mais en ressent vivement l'outrage. En ces temps troublés, il a esquissé une idylle avec une jeune Anglaise, Miss Harisson. Retournée en Angleterre, Giffard rejoint la famille quelques mois plus tard et apprend le décès de celle en qui il a fondé ses espoirs.
Le 8 mai 1858, il dépose un nouveau brevet pour un injecteur sans aucune pièce en mouvement qui fera sa fortune. Créé officiellement en 1861, l’appareil permet de constater qu’on peut employer directement la pression de la vapeur d’une chaudière, à faire pénétrer malgré la pression intérieure, l’eau d’alimentation dans cette chaudière. Parallèlement, il indique le moyen de fabriquer industriellement de l’hydrogène à l’aide de la vapeur d’eau mise en contact avec du minerai de fer pulvérisé. Alors qu’en 1859, une première locomotive est équipée du nouvel injecteur, le dispositif est adapté pour améliorer le procédé de l’ingénieur français Jacques Triger consistant à une technique de creusement de fouille ou de puits de mine dans des terrains humides ou inondés, en pressurisant l’air ambiant pour faire baisser le niveau de l’eau, notamment dans les mines du Nord-Pas-de-Calais. Technique également utilisée par Gustave Eiffel pour sa passerelle du même nom à Bordeaux ainsi que pour les deux piliers de sa tour, côté Seine, à Paris. L’Institut de France décerne alors à Henri Giffard le grand prix de mécanique de l’académie des sciences sans même avoir présenté de dossier.
Le 18 octobre 1863, Napoléon III assiste, du carré des Invalides, au deuxième départ de l’aérostat le Géant, avec Nadar à bord. Nul doute que Jules Verne s’inspire des expériences menées par Henri Giffard lorsqu’il écrit, dans la série des voyages extraordinaires, Cinq Semaines en ballon, premier roman de voyage de cet auteur publié par Hetzel, paru en 1863, qui rencontre un succès considérable et permet aux lecteurs européens de découvrir les secrets du continent africain.
Lors de l’Exposition universelle de 1867, qui marque l’apogée du Second Empire et le triomphalisme du saint-simonisme, Giffard propose au Champ-de-Mars, des ascensions dans un premier ballon captif à hydrogène de 5 000 m3, actionné pour la première fois par un treuil de descente à vapeur. La Société d’engagement pour l’Industrie nationale lui décernd la grande médaille Prony des arts mécaniques pour l’invention de son injecteur. Toujours téméraire, l’Impératrice Eugénie serait montée dans ce même ballon en 1870.
L’année suivante, en 1869, il construit un second captif qui cube 25 000 m et fait installer à Londres, qui lui cause une perte sèche de sept cent mille francs, perte qu’il éprouve sans proférer une seule plainte, un seul regret. Parmi les fratries pionnières de l’aéronautique française et mondiale, on trouve Albert et Gaston Tissandier. Ce dernier, initié à l’aérostation par Henri Giffard, effectuera en 1868 son premier voyage aérien en ballon sphérique.
Après la chute du Second Empire, l’aérostation militaire prend le pas
La ville de Metz étant assiégée depuis le 20 août, il est intéressant de signaler en préambule la véritable révolution générée par l’emploi d’aérostats dans l’univers de la distribution postale, véritables précurseurs de la Poste aérienne. Sur une idée partagée entre le docteur Papillon, aide-major de l’armée à l’ambulance de la Garde impériale et le docteur Jeannel, pharmacien en chef de la Garde, avant même l’auto-proclamation du gouvernement de la Défense nationale que le maréchal Bazaine ne veut pas reconnaître, le but est ici d’envoyer les dépêches des fantassins assiégés à partir du Fort Moselle vers l’extérieur. Dès que Jeannel et un jeune collègue pharmacien aide-major obtiennent l’autorisation et un crédit pour mener cette expérience, ils peuvent fabriquer de petits ballons gonflés à l’hydrogène. Le 5 septembre, le maréchal Bazaine décline la proposition d’utiliser ces moyens de communication pour ses correspondances officielles mais accorde son autorisation pour faire partir des ballons lestés de correspondances particulières d’officiers. Le premier vol s’effectue le jour même et le procédé se poursuit jusqu’à fin octobre. Plusieurs ballons sont interceptés par les Prussiens qui en font la chasse à coups de fusil dès leur envol, mais on peut imaginer la joie des fantassins assiégés qui reçoivent les « papillons de Metz » qui leur sont destinés et dont certains reçoivent même une réponse !
Au total, il part de Metz vingt-six ballons avec 100 000 lettres, dont la moitié seulement arrive à bon port.
Bientôt, c’est le gouvernement de la Défense nationale, dirigé par le général Trochu, qui doit faire face à la menace prussienne. Près d’un siècle après sa découverte par les frères Montgolfier, face au blocus de la capitale, l’aérostat reprend du service pour s’envoler de Paris, franchir les lignes prussiennes et briser le siège (15). Un premier départ en ballon monté de Paris s’effectue par l’ingénieur et aéronaute Claude-Jules Dufour à bord du Neptune. Destinée à mettre des ballons à disposition du gouvernement, ils sont affrétés par la « Première compagnie d’aérostiers militaires », constituée par Nadar avec Legrand et Dufour, la compagnie des aéronautes et par l’administration des Postes de Paris. Dès le 30 septembre 1870, on retrouvera Gaston Tissandier qui, avec le Céleste, le plus petit aérostat utilisé pendant le siège de Paris représentant un volume de 700 m2, transportera 30 000 lettres de parisiens, des pigeons-voyageurs et un message officiel du ministre de l’Intérieur pour le gouvernement replié à Tours.
Le matin du 7 octobre 1870, gonflé au gaz d'éclairage, deux ballons de 16 m de diamètre s'élèvent de la butte Montmartre avec à leurs bords plusieurs responsables politiques, dont Léon Gambetta et un assistant. Mais le vent le pousse vers le nord et les lignes prussiennes... Les deux voyageurs lâchent du lest pour s'élever et échapper aux tirs ennemis. Après que le ballon Armand-Barbès transportant l’impétueux ministre s'est écrasé près de Beauvais, celui-ci peut néanmoins, empruntant une voiture à cheval puis par train, rejoindre la délégation gouvernementale à Tours, bientôt repliée à Bordeaux à l’approche des troupes ennemies. Avec le délégué à la guerre Charles de Freycinet, ils peuvent organiser la résistance et mettre sur pied des armées nouvelles pour marcher sur Paris. Les deux frères Tissandier vont alors participer à la réalisation du premier pont aérien de l’histoire et à la construction du vecteur aérien de la puissance militaire. Pas moins de soixante-six ballons transportant au total 164 passagers, 381 pigeons voyageurs et deux millions de plis (dépêches officielles, lettres) hors de Paris assiégé sont ainsi transportés pendant cette guerre, franchissant les lignes prussiennes. Le 28 janvier 1871 est signé à Versailles l’armistice mettant fin au conflit franco-prussien et à l’aventure des ballons de la liberté.
Après la guerre, une nouvelle aventure industrielle pour l’inventeur
Giffard poursuit ses recherches et, en 1874, il propose un système de suspension extrêmement souple pour les wagons de chemin de fer tandis qu’il perfectionne les procédés de fabrication d’hydrogène en vue de la construction d’un nouveau et gigantesque ballon. Ce sera pour l’Exposition universelle qui se tiendra au Champ de Mars du 1er mai au 31 octobre 1878, un ballon captif de 25 000 m3, capable d’emporter quarante à cinquante passagers, qui a fonctionné publiquement pendant cent jours, du 28 juillet au 4 novembre. Située dans la cour des Tuileries, cette immense sphère, qui est devenue l’un des monuments les plus imposants de Paris, a pu être considérée comme un baromètre d’un nouveau genre, qui indique d’une manière apparente l’état du temps à la ville tout entière et à ses environs. Le ballon est une des attractions phare de l’Exposition : l’aérostat de « l'ingénieux Henri », avec 25 tonnes de poids enlevé par chacune des mille ascensions à raison d’une dizaine par jour, emmenant les passagers jusqu’à plus de 500 m, représentent un parcours vertical de 1 000 km, aller et retour. Il aura fait voler en deux mois 35 000 personnes, autant que depuis le début de l’aérostation, soit en un siècle environ.
Le 3 novembre a lieu, au milieu d’une affluence considérable de spectateurs, la dernière ascension publique du grand captif. La nacelle a été mise par Giffard à la disposition de Gambetta, accompagné de l’amiral Mouchez, Hervé-Mangon, Paul Bert, le commandant Perrier et de plusieurs autres notabilités. Et Gaston Tissandier de préciser que M. Henri Giffard, par cette création nouvelle a transformé de toutes pièces les éléments fondamentaux de l’art aérostatique avant de conclure que cette dernière journée marquera pour longtemps l’histoire des ballons comme celle de la ville de Paris et de la science française.
Parallèlement au ballon captif, la machine servant à produire le gaz permet de gonfler de nombreux ballons libres. Vingt-cinq ont été gonflés pendant la durée de l’exploitation. L’appareil a toujours fonctionné avec une précision et une régularité des plus remarquables. Ces aérostats de 200 à 300 m3, élevés simultanément au nombre de deux ou trois, ont fourni des indications précieuses sur le régime des vents dans les régions élevées de l’atmosphère et offert au public un spectacle aussi intéressant que nouveau.
Une fortune princière léguée à l’État français
La découverte de l’injecteur à air donne à Giffard une des fortunes les plus considérables que l’industrie ait permis de réaliser, sans que jamais son inventeur ne se préoccupe du soin de l’augmenter. Il est devenu plusieurs fois millionnaire et l’argent ne cesse d’affluer entre ses mains. Il en fait l’usage le plus noble, le plus utile et le plus conforme à ses goûts qui soit, en encourageant les sciences, l’industrie, en dotant les savants pauvres, en commanditant les découvertes nouvelles, les journaux scientifiques... En 1872, soit dix ans avant sa mort, il rédige devant notaire un testament par lequel il lègue à l’État tout son avoir par acte authentique. Cette libéralité n’est soumise qu’à la seule condition expresse que l’emploi sera fait en fondations philanthropiques ou utiles au progrès des sciences.
Décès et hommages de la Nation
Ainsi, en mourant, Giffard laisse-t-il une somme considérable ainsi répartie : 100 000 francs aux pauvres de Paris, 50 000 francs à l’Académie des Sciences et des sommes identiques à la Société d’encouragement pour l’Industrie nationale, à la Société des Ingénieurs civils dont l’emploi fut réservé pour des œuvres de bienfaisance en faveur de savants ou de leur famille ou pour la création de prix, à la Société des Amis des Sciences, 100 000 francs au personnel de la maison Flaud, 300 000 francs pour la création d’une clinique pour le traitement des tumeurs par l’électrolyse, établissement public et gratuit, entretenu avec la rente de la somme précitée. S’ajoutent à cela des pensions et des legs sans nom à des amis, collaborateurs, serviteurs, et après avoir fait une large part à sa famille, il croit bien agir en laissant plusieurs millions de francs à l’État, tel qu’il a émis le vœu que ce capital soit consacré à des œuvres scientifiques. À travers le legs de son patrimoine à la nation en faveur des pauvres et à des buts scientifiques et humanitaires, Giffard devient aussi le mécène de nombreux aéronautes. Par une délibération spéciale, le conseil des ministres en son temps a décidé qu’un monument serait élevé afin de perpétuer le souvenir d’un des grands ingénieurs dont la France s’honore, mais tandis qu’un crédit d’une vingtaine de mille francs a été consacré à cet objet, il semble qu’il n’ait jamais été édifié.
Ne s’accommodant pas de sa cécité naissante, Henri Giffard s'est donné la mort le 15 avril 1882, en respirant du chloroforme. Il a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise, où son monument est très largement dégradé (21e division). Une affluence considérable a suivi le char funèbre au sein de laquelle nous retenons la présence de ses amis Gaston Tissandier et Wilfrid de Fonvielle, de Gustave Doré, Camille Flammarion… et de la plupart des aéronautes français. De nombreux discours ont été prononcés, dont une apologie de ses travaux par Hervé Mangon, membre de l’Académie des Sciences, tandis que Ch. de Comberousse, au nom de la Société d’Encouragement et de la Société des Ingénieurs civils, a protesté contre l’oubli qu’on a fait, en 1878, pour la croix d’officier de la Légion d’honneur, malgré la demande qui en a été faite par l’Académie des Sciences tout entière. L’éminent professeur le salue ainsi : « Adieu Giffard ! Ta croix de chevalier n’empêchera pas l’avenir de te saluer commandeur de l’Industrie ! »
L’Exposition universelle de 1889 a apposé son nom sur la liste des soixante-douze savants sur le premier étage de la tour Eiffel. Il y est le treizième inscrit, sur la face tournée vers l’ouest. Une rue Giffard, sur la rive gauche de la Seine, en rappelle la mémoire, dans le 13e arrondissement de Paris.
Le saviez-vous ?
Alors que le service des ballons messins était passé sous l’autorité du général Coffinières, celui-ci utilisa le procédé pour faire connaître son adhésion au gouvernement provisoire de Paris. Il lança, le 29 septembre, un ballon de 11 kg portant 2,2 kg de dépêches et une cage renfermant deux pigeons voyageurs. Dans un message, le commandant de place se lamentait de la conduite incompréhensible du maréchal Bazaine. Par malchance, cet aérostat fut abattu par l’infanterie prussienne qui remit la missive de Coffinières au prince Frédéric Charles. Le prince de Prusse se fit une délectation de retourner le message au maréchal Bazaine, en ayant pris soin de souligner à l’encre rouge les passages qui le mettaient en cause, y ajoutant quelques commentaires sarcastiques.
Jean-Claude Jacoby, La guerre en Moselle, de l’escarmouche de Sarrebruck à la capitulation de Metz, éd. des Paraiges, 2014.
La tragédienne dans les airs
Le 28 août 1878, Sarah Bernardt, prise de passion pour les aérostats, monte dans le Dona Sol, ballon portant le nom de son rôle dans Hernani dans lequel elle a triomphé l’année précédente : « J’adorais et j’adore encore les ballons. J’allais chaque jour dans le ballon captif de M. Giffard […]. Le prince Napoléon, qui était avec moi quand Giffard me fut présenté, avait insisté pour être du voyage ; mais il était lourd, un peu maladroit, et je ne prenais pas plaisir à sa conversation, malgré son merveilleux esprit, car il était méchant et tapait volontiers sur l’empereur Napoléon III que j’aimais beaucoup […]. À six heures quarante minutes, nous étions à 2 300 mètres d'altitude, et le froid et la faim commençaient à se faire sentir. Le dîner fut copieux, en foie gras, en pain frais, en oranges. Le bouchon de champagne sautant dans les nuages eut un joli petit bruit estompé. Nous levâmes nos verres en l'honneur de M. Giffard. »
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