À l’aube du xixe siècle, s’emparer d’un vaisseau d’une masse trois fois supérieure à celle de son propre navire et défendu par un équipage trois fois plus nombreux que le sien est une affaire de deux heures. Pour cela, il faut avoir la hardiesse et le courage incomparable d’un Robert Surcouf, surnommé « le tigre des mers ».
Au cours de l’année 1800, Surcouf choisit de livrer un combat contre un navire anglais d’une taille bien supérieure à celle de son propre navire : tandis que la Confiance jauge 364 tonneaux, le Kent en fait 1 200. À bord, sans que Surcouf ne puisse l’imaginer, se tient une garnison de quatre cent cinquante hommes de guerre qu’il va devoir combattre à l’aide de ses deux cent cinquante marins. Voici ce qu’un témoin, un marchand américain se trouvant à l’Île de France, relate : « Le combat qui aboutit à la capture de ce navire [le Kent] figurera parmi les plus chevaleresques et les plus courageux que la chronique navale de n’importe quel pays ait enregistrés, combat que Surcouf lui-même n’aurait peut-être jamais tenté, s’il s’était jamais douté que son adversaire avait un effectif bien supérieur à l’équipage habituel d’un navire de Compagnie. »
De l’audace avant tout
Depuis 1792, la France est en guerre contre l’Europe. Sur mer, elle tient tête à l’Angleterre, l’ennemi héréditaire. Cette dernière, qui ne peut vivre de ses seules ressources insulaires, possède, au-delà des océans, de nombreuses possessions où elle puise des richesses qu’elle achemine par les gros navires ventrus de la « compagnie des Indes », les Indiamen. Malgré leur apparence, et bien qu’ils soient armés, et parfois assez fortement, ce ne sont pas des vaisseaux de guerre mais tout d’abord des navires de commerce. Toutefois, la navigation maritime présente de très gros risques. Et c’est pourquoi ces mastodontes disposent d’une certaine artillerie et d’un équipage aguerri pour assurer leur défense.
Souvent cependant, pour leur sécurité, ils marchent en convoi, accompagnés d’une escorte militaire. C’est la meilleure garantie qu’ils possèdent pour amener à bon port or, argent, pierres précieuses, soieries, bois exotiques dont leurs cales sont très lourdement chargées : de véritables trésors pour l’industrie ainsi que pour l’économie nationale. Mais, bien souvent, les capitaines de ces vaisseaux sont dans l’obligation de naviguer livrés à eux-mêmes et aux hasards du voyage.
En 1800, Surcouf est tout juste âgé de vingt-sept ans. Entré dans la marine marchande comme mousse, à l’âge de treize ans, il a acquis en trois années ses galons d’officier au commerce. Le sang a bouillonné dans ses veines dès l’enfance et, jeune homme, il a tôt su que la richesse lui viendrait de la « guerre de course ». En 1795, il a obtenu le commandement de son premier « corsaire », l’Émilie. Hélas, la lettre de marque qui l’aurait mis en règle lui a été refusée ! Il s’en est fort bien accommodé et, têtu et bravache, a sillonné l’océan Indien, rôdant, à la recherche de ses proies, dans les « brasses » du Bengale, au débouché du vaste delta du Gange : c’est là le point de passage obligé des navires britanniques dont les soutes sont emplies de richesses.
Affaire faite, il a toujours conduit, d’une manière insolente, ses prises au gouverneur de l’île de France, actuelle île Maurice. Il en faut de l’audace. Car ces performances, aussi brillantes qu’elles soient, ne font de lui, à défaut d’autorisation de son gouvernement, rien d’autre qu’un pirate ! Pris par l’ennemi, il aurait été pendu… La France y trouve cependant bien son compte. Après la prise du Triton, Surcouf a dû intenter un procès à l’État pour entrer en possession de ce qu’il considère comme son bien. Mais il a su mettre les rieurs de son bord : être parvenu à s’emparer d’un navire portant vingt-six canons et ayant cent cinquante défenseurs lorsqu’il n’a eu, comme unique moyen d’attaque, qu’une « coquille de noix », armée de deux bouches à feu et montée par vingt hommes ! Son argument de défense : « C’était de la légitime défense, monsieur le président ! » Au change, Surcouf y perd un peu en monnaie mais gagne beaucoup en renommée !
La Confiance dans l’océan Indien
Au printemps de l’année 1800, Surcouf se trouve donc à l’Île-de-France. Il est disponible, après sa longue campagne à bord de la Clarisse – deux cents tonneaux, vingt canons, une centaine d’hommes d’équipage, quinze navires capturés en dix-huit mois – qu’il a ramenée des chantiers bordelais. Au mois de mai, il obtient le commandement de la Confiance.
Ce trois-mâts à deux ponts sorti des mêmes chantiers en 1799, propriété de l’armateur Jacques Comte (1), est un navire fin et racé, taillé pour la course. Sa longueur est de 39 m – 28 à la ligne de flottaison ; il jauge 364 tx et est conçu pour porter vingt-quatre canons. Pour la campagne à venir, selon le Journal de bord, il ne sera armé que de vingt pièces : douze de calibre 6, six de calibre 8 et de deux obusiers de 36.
L’équipage est constitué de quelque deux cent cinquante hommes qui obéissent aux ordres de Surcouf, capitaine et de Joachim Drieu, son second. Ce personnel est disparate, quand bien même la plupart des hommes sont d’origine européenne. Cependant, dans les mains du malouin, la Confiance va faire merveille.
Surcouf quitte l’île de France le 10 mai 1800 dans l’après-midi. Le 15 juin, tandis que le navire se trouve à l’ancre dans les eaux du côté de Java afin de s’avitailler en bois comme en eau, une voile apparaît. Il s’agit de l’Alknomack, un trois-mâts américain. La Confiance remet à la voile et lui file le train. L’américain tente de fuir mais quelques coups de semonce suffisent à décider le capitaine de se rendre sans combattre. C’est la première capture d’une série prodigieuse. La campagne entraînera Surcouf à travers l’océan Indien, de l’Indonésie aux Séchelles, en passant par Ceylan. Tomberont entre ses mains la Praise, l’Hariett, le Tiger, l’Union, la Charlotte, la Rebecca, et quelques autres navires. Ces prises assurent des quantités honorables de blé, de riz, de sucre. Ces denrées, ainsi que les navires et les prisonniers, sont envoyées à l’île de France.
La rencontre avec le Kent
Il est tout juste 6 h le 7 octobre 1800, le jour pointe à peine. La Confiance navigue alors dans les « brasses du Bengale ». Il s’agit de la zone maritime située au débouché du Gange, là où se jettent dans la mer les multiples bras du fleuve. L’endroit est parsemé d’embûches à un point tel qu’un règlement est établi ainsi qu’un dispositif de bouées spécialement aménagées pour secourir d’éventuels naufragés. L’entrée ne peut se faire sans un « pilote » connaissant parfaitement tous les dangers de la passe. Ces jours-là, ce sera bien utile car le temps est mauvais. Le navire cingle en direction du sud-est. Soudain, la vigie alerte : devant le corsaire, un gros trois-mâts fait route vers le nord. Ayant aperçu la Confiance, au lieu de fuir, ce navire effectue un demi-tour et vient à la rencontre du Français. Sans aucun doute, il croit voir en lui un « pilote » venu l’aider à passer les fameuses « brasses ». À 7 h, Surcouf en est certain : « […] Et comme nous nous approchions beaucoup, nous l’avons très bien reconnu pour être un vaisseau de la compagnie anglaise (2), ayant treize sabords ouverts à sa batterie » a consigné le second, Joachim Drieu, dans le Journal de bord à la date du 14 au 15 vendémiaire (6 au 7 octobre 1800). Cela signifie que ce gros vaisseau est un Indiaman appartenant à la compagnie anglaise des Indes orientales. Il s’agit du Kent, commandé par le capitaine Robert Rivington ainsi que l’apprendra bientôt Surcouf. Sa coque est doublée en cuivre, il jauge 1 200 tx et présente à l’adversaire vingt-six canons de 18 en batterie ainsi que douze autres de 9.
Ce sera le combat de David contre Goliath. Mais cette supériorité n’effraie nullement Surcouf, pas plus que l’un ou l’autre des membres de l’équipage de la Confiance, habitués à ce genre d’audacieux coup de main. Ces derniers sont au nombre d’environ cent soixante. Surcouf estime que le Kent, navire de commerce, ne doit pas avoir à son bord un nombre plus conséquent. Effectivement, ce chiffre se monte en théorie à cent cinquante hommes. Ce qu’ignore le Malouin, c’est que le vaisseau britannique a renforcé son effectif en cours de navigation et ceci de manière fort importante et, faut-il dire, bien malgré lui. En effet, lors de son passage sur les côtes du Brésil, le capitaine Rivington a embarqué les quelque quatre cents marins, officiers et soldats – d’infanterie comme de cavalerie, dont un général du nom de Saint-Johns, qui allait prendre son commandement au Bengale, ainsi que des civils, tous passagers d’un navire en détresse, le Queen, arti d’Angleterre de conserve avec le Kent. Ce qui fait qu’à l’instant où celui-ci croise au large des Indes, il a à son bord un effectif d’environ cinq cent cinquante personnes, dont une large partie aguerrie.
Pendant que les deux navires avancent l’un vers l’autre, Surcouf s’adresse à son équipage et lui fait savoir son intention d’aborder l’Indiaman et de s’en emparer d’assaut. Montrant qu’il ne doute pas du succès de l’entreprise, il autorise d’ores et déjà le pillage des « hardes » durant une heure avec, toutefois, une restriction : l’interdiction de toucher à la cargaison. C’est l’usage. Surcouf est un gentilhomme et il est reconnu comme tel sur les mers où il navigue. D’ailleurs, à bord du Kent, le capitaine Rivington ne s’inquiète nullement. Assuré de la victoire contre la « coque de noix » qui veut l’affronter, il invite les personnalités qu’il a embarquées à son bord à assister au combat qui va se livrer sous peu.
Il est 7 h 30 du matin lorsque l’Anglais engage l’action en tirant quelques volées de boulets de gros calibre. Ses batteries se trouvant trop élevées par rapport à sa « proie », les coups sont sans effet et les boulets partent s’égarer dans la mer. Le ballet se poursuit. À huit heures, une nouvelle volée du Kent ne fait, cette fois, que passer au travers de la mâture de la Confiance sans occasionner d’autre dommage que l’arrachement d’un éclat au « grand mât de perroquet au-dessus du chouquet (3), et coup[er] un calhauban (4) dudit mât de perroquet ». La Confiance, consciente de son éloignement, ne riposte pas. Un quart d’heure plus tard, l’occasion étant plus favorable, la Confiance et le Kent s’adressent mutuellement une nouvelle bordée.
Le Français, qui ne déplore toujours aucune avarie grave, tire maintenant à boulets pleins et à mitraille. Cependant, Surcouf décide, tenant compte de la position des navires et malgré les moyens de défense importants désormais visibles sur le pont de l’adversaire – de la mousqueterie, des fusils, des pistolets, des haches d’armes, des piques d’abordage, des espingoles (5) –, que le moment est bon pour procéder à l’abordage.
La Confiance, faisant feu de toutes ses pièces et foudroyant le pont du Kent de sa propre mousqueterie servie par les hommes grimpés dans les haubans, vient se placer à hauteur de la hanche (6) droite de l’adversaire. Durant cette manœuvre, une chance vient servir Surcouf : une des ancres de bossoir (7) du Kent vient se prendre dans l’un des sabords d’avant de la Confiance, plaquant d’une manière irrémédiable l’un des navires contre l’autre. « Nous reçûmes cependant, à l’instant où nous nous accrochions devant, trois coups de sa batterie les plus en avant, qui coupèrent les jambes à six des nôtres », relate le Journal de bord. Dans ce même moment, en deux vagues, l’une conduite par Joachim Drieu, l’autre par Surcouf, l’équipage de la Confiance se propulse à bord du bâtiment anglais.
Un combat bref mais violent
« Le capitaine Robert Rivington, poursuit le rédacteur du journal, fut tué sur son gaillard au commencement de l’action par l’éclat d’un obus (8) de 36, lancé par nos gabiers de dessus la grande vergue, et cette mort contribua beaucoup à la défaite de son équipage. »
Sur le pont du vaisseau, très encombré, les combattants anglais ont une manœuvre particulièrement restreinte. C’est en pleine bousculade qu’ils se replient sur le gaillard arrière. Dès lors, ils s’y trouvent piégés comme dans une nasse : les marins de Surcouf dirigent sur eux deux canons chargés à mitraille et font feu. C’est une véritable boucherie. En moins d’un quart d’heure – c’est le temps qu’indique Drieu dans le Journal –, tout aurait été réglé. Les Anglais mentionnent que l’engagement a duré au total, c’est-à-dire depuis le tir du premier boulet jusqu’à la reddition, une heure quarante-sept minutes. C’est précis et tout à fait admissible. Le livre de bord consigne quatre tués et six blessés pour la Confiance, quinze morts et trente blessés pour le Kent (9).
Beaucoup de travail attend maintenant le vainqueur. D’abord, celui-ci doit s’assurer du désarmement des prisonniers. Le nombre de ces derniers est considérable. Ils resteront, pour partie, à bord du Kent dont le commandement va être assuré par Joachim Drieu. Dans le même temps, sont prodigués les soins aux blessés des deux bords ainsi que l’immersion des morts. Par ailleurs, il est nécessaire de désaccoupler les deux navires en dégageant l’ancre prise dans l’un des sabords de la Confiance. L’opération est délicate. Elle prendra toute la nuit. Les deux navires ne sont désolidarisés qu’à 9 h du matin ! Enfin, le transfert des prisonniers d’un navire sur l’autre ainsi qu’une partie de l’équipage de la Confiance – une soixantaine d’hommes – destinée à la manœuvre du Kent, est longue. Le mauvais temps complique les opérations. Outre le personnel, il faut aussi faire passer d’un bord à l’autre, les effets personnels, des vivres – notamment du biscuit, des volailles et de l’eau – en quantité suffisante. Ces opérations ne trouvent leur aboutissement qu’à dix heures et demi. La cellule de commandement du Kent est désormais composée de Drieu, commandant et de Dumaine, lieutenant sur la Confiance, passant second sur le Kent.
À 11 h du matin, enfin, la brise se faisant sentir, les embarcations qui ont servi de navettes sont remontées à bord et les deux capitaines prennent les dispositions pour le départ. La rentrée à Port-Louis se déroule assez calmement. Le 5 octobre, avant-veille de la rencontre qui a été si néfaste pour le Kent, Surcouf avait croisé la route d’un trois-mâts arabe contenant des chevaux et une cargaison de dattes qui, venant de Mascate, à l’entrée du golfe persique, se rendait à Calcutta, au nord-est de l’Inde. Après contrôle des papiers et de la marchandise, Surcouf l’avait laissé libre de circuler. La Confiance vient ainsi à recroiser sa route. Afin de ne pas demeurer handicapé avec une masse inutile de prisonniers, le Malouin se défait de tous les hommes valides en les faisant charger, ainsi que leurs effets, à bord du navire arabe. Il ne conserve donc, sur le Kent et la Confiance, que les malades et les blessés. Le voyage fut long puisque ce n’est que le 16 novembre que les deux vaisseaux, navigant de conserve, parviennent à Port-Louis.
Port-Louis fête, bien sûr, l’entrée au port de la Confiance avec sa prise. Surcouf est tout de même déçu. Les cales du Kent ne contiennent ni or ni argent. Certes, il aurait été plus judicieux de capturer le navire lors de son retour en Europe. Les marchandises auraient été d’un tout autre intérêt. Il n’y a là, principalement, que de la quincaillerie, de la vaisselle, du plomb, du cuivre ainsi que de l’armement, de l’habillement… Mais cette marchandise ne rapportera guère que 10 600 piastres (10). C’est le vaisseau lui-même qui constitue le principal de la prise. Son rachat par un négociant danois rapportera la somme de 30 900 piastres.
L’odyssée du Kent sous pavillon anglais s’arrête donc là. C’est sous le nouveau nom de Cronberg qu’il rejoindra la Norvège. Quant à Robert Surcouf, la capture du Kent clôt son troisième séjour dans l’océan Indien. Celui-ci lui aura été très profitable. C’est à bord de la Confiance, les cales pleines de denrées, qu’il remet à la voile le 29 janvier 1801. Le voyage de retour vers la France est mouvementé. Le corsaire malouin fait une fois de plus une large démonstration de ses qualités de navigateur et d’homme de guerre. Les Anglais ont mis sa tête à prix : cinq millions de francs ! Le 13 avril 1801, il fait relâche à La Rochelle. Mais Robert Surcouf est pressé de gagner Saint-Malo. Là-bas, il est attendu tout particulièrement. Il est âgé de vingt-sept ans et il pense à assurer son avenir. Le 28 mai, il se marie à Marie-Catherine Blaize, sa cadette de six ans. Saint-Malo est bien une cité de corsaires et, par voie de conséquence, d’armateurs. Tout y vit de et pour la course. Le belle famille de Robert n’échappe pas à la tradition puisque l’on y trouve quelques marins, mais surtout des négociants de première importance, à la richesse déjà assurée.
La paix d’Amiens met un arrêt à l’enthousiasme des hommes de mer pour le combat. Les navires demeurent désormais à l’ancre ou dans les bassins portuaires. Durant la courte paix, Surcouf s’occupe de ses affaires en commerçant avisé. La guerre reprend le 16 mai 1803. Bonaparte a eu connaissance des exploits du Malouin. Sans qu’aucun document vienne étayer cette anecdote, il paraîtrait que Napoléon aurait proposé à Surcouf un emploi dans la marine impériale : commander deux frégates avec le grade de capitaine de vaisseau (11). Mais Surcouf, si le fait est véridique, est trop avide d’indépendance pour accepter une telle offre. Cela ne lui nuit pas puisqu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 17 juillet 1804.
Est-il fatigué de courir les mers ? Privilégie-t-il les douceurs de la vie de famille aux sensations fortes de celle de vagabond des mers ? Cela ne dure qu’un temps mais, jusqu’au printemps 1807, travaille à la construction de navires. Et – nostalgie ?– il reprend la mer et renouvelle ses exploits à bord du Revenant puis du Renard. Toutes ses croisières sont des succès. Quand, en 1809, il pose, d’une manière définitive, son baluchon à terre, Robert Surcouf n’est âgé que de trente-cinq ans. À son actif, il compte quelque quarante prises en quatre années de navigation dans le seul océan Indien ! Il poursuit l’armement, pour la course ou le commerce, mais demeure personnellement à terre.
L’homme d’affaires
Or, l’Empire touche à sa fin. Et cette fin sonne le glas de la course. Surcouf est désormais un homme riche. C’est au risque de sa vie qu’il a accumulé cette fortune. Sous la peau d’un aventurier, il a été un homme d’affaires avisé. Comme membre de la Légion d’honneur et sur désignation de l’Empereur, il siège au collège électoral de l’arrondissement de sa ville natale puis entre au conseil municipal. En 1814, devant le péril qui guette la France, il accepte les fonctions de colonel de la cohorte urbaine de l’arrondissement de Saint-Malo. Un millier d’hommes tout juste bons pour la parade. Mais, déjà, Louis XVIII remonte sur le trône de France.
Surcouf se rallie à Napoléon, lors de son retour de l’île d’Elbe. Il s’oppose aux royalistes qui tentent de remettre aux Anglais le fort de la Conchée, un îlot fortifié protégeant la rade de Saint-Malo. Au second retour du roi, il déclare qu’il faut, avant tout, « rester français » et prête allégeance au nouveau gouvernement. Il se retire alors de la vie publique. Ce qui lui vaut, alors qu’il n’a jamais démérité et que la nation lui doit tant, d’être placé sous l’œil de la police.
La fin de la course
En définitive, la patrie s’est montrée ingrate envers le grand homme qu’a été Robert Surcouf. Ses prises dans l’océan Indien ont rapporté de belles sommes à l’État. Tout comme l’Empire ne lui a pas même accordé le titre de baron qui aurait été bien mérité, la Restauration, en 1817, l’ignore totalement. Lors du passage du duc d’Angoulême dans la cité fortifiée, Surcouf, le plus fameux corsaire de tous les temps, n’est pas même convié au repas d’honneur ! Mais, de l’honneur, il en possède bien trop pour faire grise mine.
Il continue à vivre du revenu de ses affaires. Atteint d’un mal qui le ronge depuis longtemps, il s’éteint le 8 juillet 1827 dans sa propriété de Riancourt, en Saint-Servant, à deux pas de la « cité corsaire ». Son corps repose au cimetière de Rocabey (12).
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