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Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier

Paru en 1863, Le Capitaine Fracasse est le chef-d’œuvre de Théophile Gautier dont on commémore en 2022 le cent-cinquantième anniversaire de la mort. Mais derrière ce roman d’aventure se cache une histoire et une tragédie familiales étalées sur plusieurs décennies.

Gonzague Espinosa-Dassonneville / docteur en histoire, délégué régional du Souvenir napoléonien en Aquitaine

Théophile Gautier et le Capitaine Fracasse sont intimement liés à la Gascogne. C’est d’abord une histoire de famille. Né le 31 août 1811 à Tarbes, Théophile est le fils de Pierre Gautier, employé au service du cadastre, et d’Adèle Cocard, sixième fille de Jacques Cocard, intendant au château de Mauperthuis, près de Coulommiers (Seine-et-Marne). Celui-ci appartient au général Anne-Pierre de Montesquiou-Fézensac (1739-1798), issu d’une grande famille gasconne de la noblesse d’épée proche du pouvoir royal. Les Montesquiou possèdent également le château d’Artagnan, au nord de Tarbes.


L’union de ses parents

Ce patronage des Montesquiou a beaucoup influé sur les mariages gascons (natifs ou installés dans la région) de cinq des six filles de Jacques Cocard. En 1790, Anne-Josèphe se marie avec le vicomte Henry de Poudenx, maréchal de camp et vétéran de la guerre d’indépendance américaine. Il est le propriétaire du château de Castillon à Arengosse (Landes). Leur fille Émilie épousera le général Ismert dont il sera question plus loin. En 1798, Henriette-Augustine s’unit à Eustache Sarran, homme de loi à Labrit (Landes) ; en 1804, Marie-Anne-Charlotte convole avec Étienne-François Perrin, régisseur du château de Mauperthuis puis celui d’Artagnan. En 1806, Jeanne-Charlotte-Sophie s’unit avec Jean-Baptiste Lalanne, poète de Dax. Enfin, en 1810, Adèle épouse Pierre Gautier, originaire d’Avignon, rencontré au château d’Artagnan.


Après leur mariage célébré au château, les parents de Gautier s’installent à Tarbes. En 1814, la nomination de l’abbé de Montesquiou (un cousin du général) comme ministre de l’Intérieur de Louis XVIII est une véritable aubaine pour la carrière de Pierre Gautier. Durant son émigration, l’abbé a toujours été informé de la bonne tenue de ses domaines et des personnes placées sous le patronage de sa famille. Pierre Gautier lui inspirait d’autant plus de confiance qu’il avait montré pendant la Révolution son attachement à la cause royale. Cherchant un homme de confiance pour s’occuper de ses affaires personnelles, il pense au père de Théophile auquel il procure un emploi de chef de bureau à l’administration de l’octroi à Paris, sinécure qui lui laisserait assez de temps libre pour gérer la fortune des Montesquiou. C’est ainsi qu’en 1814, le couple Gautier quitte Tarbes pour la capitale où naissent deux nouveaux enfants, Émilie (1817) et Zoé (1820).


Pour le jeune Théophile, c’est le déracinement : c’est une « chose singulière pour une enfant si jeune, confiera-t-il plus tard, le séjour de la capitale me cause une nostalgie assez intense pour m’amener à des idées de suicide ». Il quitte ce qu’il a appelé ses « montagnes bleues » pyrénéennes et laisse derrière lui sa famille gasconne. Gautier finit toutefois par s’habituer à sa nouvelle vie à Paris mais il gardera toute son existence le souvenir de sa « petite patrie » tarbaise et attribuera à sa petite enfance le fond méridional d’exubérance et de gaieté qu’il sentait en lui.


Après des études à Louis-le-Grand puis au lycée Charlemagne, Gautier se jette dans le combat romantique avec Victor Hugo lors de la « bataille d’Hernani » (1830) durant laquelle il se fait connaître comme « l’homme au gilet rouge ». Il publie ensuite ses premiers recueils de poème et son premier roman, Mademoiselle de Maupin (1835). En 1836, Gautier commence une carrière de journaliste qui lui assurera la sécurité matérielle dont il a besoin. Débute alors pour lui une vie de servitude, dont souvent il souffrira, car elle l’écartait de son unique passion : le culte de la beauté. Il rejoint ainsi le journal La Presse, créé la même année par Émile de Girardin qui souhaitait se placer en dehors de la politique. Son succès est immédiat, grâce à son moindre coût mais aussi grâce à la formule du roman feuilleton. Gautier y rédige avant tout des critiques d’art et de théâtre.


Aussi, quand il en a l’occasion, il s’évade par le voyage. Il parcourt ainsi l’Espagne, l’Italie, l’Orient et la Russie. À chaque fois, il en revient avec un reportage dans lequel il s’efforce de restituer pour ses lecteurs la vivacité de ses impressions. Ce goût de l’évasion se retrouve aussi dans ses romans et ses nouvelles, dans lesquels il poursuit un voyage à travers l’espace et le temps. Il évoque ainsi Pompéi dans Arria Marcella (1852), l’Égypte antique dans Le Roman de la Momie (1858), la vie des comédiens ambulants au XVIIe siècle dans le Capitaine Fracasse (1863), son œuvre la plus connue.


Une tragédie familiale

C’est probablement lors de son séjour au château de Castillon à Arengosse, près de Morcenx, que Gautier a eu l’idée d’écrire Le Capitaine Fracasse. Il place son intrigue en Gascogne comme l’indiquent ses premières lignes : « Sur le revers d’une de ces collines décharnées qui bossuent les Landes entre Dax et Mont-de-Marsan, s’élevait, sous le règne de Louis XIII, une de ces gentilhommières si communes en Gascogne que les villageois décorent du nom de château. »


On sait que Gautier s’y est rendu en villégiature au début de la monarchie de Juillet. La demeure appartenait à sa cousine germaine, la baronne Ismert, qui avait vingt-deux ans de plus que lui, faisant souvent croire qu’il s’agissait de sa tante. À ce moment-là, Gautier ne pouvait se douter de la détresse de sa cousine, veuve du général baron Pierre Ismert, qui avait commandé un régiment puis une brigade de dragons lors de la guerre d’Espagne.


Très endetté par l’achat onéreux du château de Castillon à son beau-père, Ismert avait dû emprunter pour pallier ses maigres revenus et sa mauvaise gestion du domaine. En 1823, il a même songé à le vendre mais son épouse s’y était opposée. Décédé en 1826, il laissa deux enfants en bas âge – Agénor né en 1815 et Stephen né en 1818 – et une veuve assaillie par les créanciers. À cela s’ajoutait le procès qu’elle menait contre la municipalité d’Arengosse à propos de la délimitation des landes communales, ce qui l’obligea à emprunter de nouveau. En 1838, la baronne Ismert s’est enfin résolue à vendre le domaine mais, cette fois-ci, c’est Agénor qui refuse, entraînant une brouille entre la mère et le fils. La baronne quitte alors Arengosse pour s’installer à Garein, à une quinzaine de kilomètres, probablement aidée par le notaire de Labrit, Antoine Dubosq, le mari de sa cousine Marguerite Sarran. C’est ainsi dans ce marasme ambiant que Gautier a séjourné chez ses malheureux cousins dont les ennuis étaient loin d’être terminés. Le domaine de Castillon finit par être saisi et vendu en deçà de sa valeur réelle entre 1838 et 1840. Les enfants Ismert se réfugient à Garein. Agénor meurt chez sa mère en 1842. Stephen décédera lui en 1874.


C’est cette tragédie familiale qui aurait inspiré Gautier pour son Capitaine Fracasse. En pensant à la misère dans laquelle vivaient ses cousins, son imagination lui a fait créer le héros de son roman, le désargenté baron Justinien de Sigognac qui, au cours de ses aventures, réussira à redorer son blason. Faut-il voir dans ce personnage la double figure d’Agénor et Stephen Ismert ? Néanmoins, il n’est pas assuré que le « Château de la Misère » de Sigognac soit précisément le château de Castillon. Gautier parle de tours rondes, de toits en éteignoir et de pont-levis. Rien de tel à Arengosse. Construit en 1625 sous le règne de Louis XIII – soit à la même époque que dans le roman – Castillon est un château neuf d’habitat et non une simple gentilhommière à l’allure féodale. Pour les besoins de son roman, l’auteur n’avait pas à forcer son talent pour imaginer un vieux manoir délabré en accumulant tous les détails nécessaires pour en faire un habitat lamentable.


Toutefois, quelques éléments géographiques pourraient rappeler le site de Castillon qui est, lui aussi, sur le revers d’une colline. Aujourd’hui boisée, celle-ci devait être au xviie siècle encore décharnée et, dès que l’on atteignait la muraille clôturant le jardin, « s’étendait la lande à son horizon triste et bas, pommelé de bruyères ». En revanche, Gautier a bien remonté vers Paris la route des diligences, qu’il connaissait bien, pour développer son roman picaresque.


Un accouchement difficile

Annoncé dès 1835 en quatrième de couverture de Mademoiselle de Maupin, Le Capitaine Fracasse devra pourtant attendre vingt-cinq ans avant d’être publié. Cette attente aurait pour origine les scrupules de Gautier vis-à-vis de sa cousine, ne voulant pas ajouter à ses peines un ouvrage dont elle aurait vite compris que le point de départ était la misère, la sienne. De même, elle n’aurait probablement pas aimé que la seule planche de salut pour ses fils soit de devenir baladin ou comédien comme le sera Sigognac. En 1845, Gautier signe pourtant un contrat d’édition avec François Buloz, directeur de la Revue des Deux Mondes, mais deux années s’écoulent sans que l’éditeur n’en voie une seule ligne, au point qu’il saisit en 1851 le tribunal civil de la Seine pour que son avance lui soit remboursée. En proie à des difficultés financières, en raison de ses charges de famille et de son train de vie dispendieux, Gautier justifie avoir sacrifié son temps d’écriture à des travaux journalistiques de critique d’art et de théâtre plus rémunérateurs dans La Presse, journal à succès d’Émile de Girardin sous la monarchie de Juillet, puis, sous le Second Empire, dans Le Moniteur, feuille officielle du gouvernement.


Quelques années plus tard, c’est au tour de La Revue de Paris de Maxime Du Camp d’espérer le « fameux » roman-fantôme. Le premier chapitre, « Le Château de la Misère », est même livré. À ce moment-là, sa cousine, la baronne Ismert, est décédée en 1856 à Garein. L’obstacle est ainsi levé comme Gautier le sous-entend dans l’avant-propos du Capitaine Fracasse : « Il fallait au moins bâtir un domicile à cette ombre errante que les annonces n’admettaient plus et, vers 1857, nous l’installâmes dans le Château de la Misère, château aussi imaginaire que celui des Bruyères. » Mais la suite tarde à venir et la revue finit par être supprimée par le régime impérial en 1858.


L’éditeur Gervais Charpentier réussit là où tous les autres ont échoué précédemment. Inventeur à succès d’un nouveau format de livre – un grand in-18 dit « format Charpentier » – il a déjà réédité quasiment toutes les œuvres de Gautier. Aussi connaît-il son auteur : « Je sais que vous êtes oriental jusqu’aux os, lui écrit-il en 1845, c’est-à-dire amoureux du farniente. » Lorsque Charpentier a l’ambition en 1861 de publier Le Capitaine Fracasse dans la Revue nationale et étrangère, dont il est le gérant, il engage par contrat Gautier à terminer son roman sous deux ans – Charpentier ayant racheté à Du Camp le premier chapitre. Pour motiver son auteur, notoirement connu pour ne pas respecter ses promesses, Charpentier a inséré dans le contrat un dispositif destiné à rémunérer Gautier toutes les seize pages – c’est-à-dire une feuille d’imprimerie – avant de recevoir un à-valoir une fois le manuscrit terminé. Stimulé par ce système de rémunération original, Gautier finit par reprendre la plume. Le 25 décembre 1862, la Revue nationale et étrangère publie le premier chapitre du roman-feuilleton tant attendu et annonce la suite au prochain numéro avant même que Gautier ait terminé l’ouvrage. Charpentier mettait ainsi la pression sur son auteur – tout en augmentant sa rémunération – pour que celui-ci finisse son histoire s’il voulait éviter la honte d’une interruption.


De même, à la demande de son éditeur, la fin du Capitaine Fracasse est modifiée. À l’origine, Gautier voulait une fin « très logique et très vraie, car c’est de cette façon que procède la vie », rapporte sa fille Judith dans ses souvenirs, c’est-à-dire que Sigognac aurait tué en duel le duc de Vallombreuse et n’aurait jamais pu épouser Isabelle, son amante qui s’était révélée être la demi-sœur du défunt. Revenu dans son château vaincu par la vie, il se serait laisser mourir dans la chapelle où reposait ses ancêtres. Finalement, Vallombreuse guérit de ses blessures et Sigognac peut épouser Isabelle. Le roman, commencé dans « le Château de la Misère », se termine dans « le Château du Bonheur ».


Le 10 juin 1863, les derniers chapitres sont publiés dans la revue avant que Le Capitaine Fracasse paraisse en deux volumes au mois de novembre chez Charpentier, première édition qui sera suivie par beaucoup d’autres puisque le roman remporte immédiatement un grand succès auprès du public. L’éditeur accordera à son auteur un généreux à-valoir de 12 110 francs qui placera Gautier dans une situation confortable qu’il n’a que rarement connue jusque-là.


Les aventures de Sigognac

Le baron de Sigognac est un jeune noble désargenté qui vit reclus dans son château en ruine avec son vieux domestique et son chat Belzébuth. Un soir d’hiver, il offre l’hospitalité à une troupe de comédiens égarés et tombe amoureux d’Isabelle, une jeune femme de la troupe. C’est le coup de foudre. Souhaitant quitter son marasme ambiant, Sigognac accepte de suivre les comédiens dans leurs pérégrinations. Au cours de l’une d’elles, il remplace sur les planches l’acteur qui incarnait Matamore, l’un des personnages lâche et bravache de la commedia dell’arte, mort de froid lors d’une tempête de neige. Le Matamore est pourtant la parfaite caricature de la prétention surannée des nobles à la gloire des armes. Sous le nom de scène de « Capitaine Fracasse », Sigognac entame le deuil comique des illusions de sa caste et trouve chez les comédiens une nouvelle aristocratie de l’esprit. En s’engageant dans l’aventure aux côtés de comédiens itinérants, il renoue petit à petit avec un héroïsme regretté.


Toutefois, Isabelle refuse la demande en mariage de Sigognac pour ne pas ternir son nom. Elle n’est qu’une comédienne, c’est-à-dire en bas de l’échelle sociale, tandis qu’il est noble. En parallèle, Sigognac doit lutter contre un rival amoureux, le duc de Vallombreuse, qui a été également éconduit par Isabelle. Les deux hommes se battent plusieurs fois en duel au cours du roman. Lors du dernier, Sigognac blesse très sérieusement Vallombreuse qui avait enlevé Isabelle. C’est à ce moment-là que le père du duc intervient et reconnaît en Isabelle la fille qu’il avait eu avec une grande actrice. Vallombreuse courtisait de fait sa demi-sœur. La condition d’Isabelle n’était plus un obstacle puisque son père était noble. Vallombreuse se transforme alors en frère attentionné après avoir été un amant éconduit sans scrupule. Suivant la célébration du mariage, Isabelle fait secrètement réparer le vieux château délabré de son époux où le couple va vivre tandis que Sigognac, en voulant enterrer son vieux chat Belzébuth dans le jardin, trouve le trésor enfoui de ses aïeux. La fortune des Sigognac peut ainsi perdurer.


Le Capitaine Fracasse s’inscrit dans la lignée des romans de cape et d’épée ainsi que de la commedia dell’arte. Gautier y fait preuve du même génie de la description que dans ses autres romans mais avec en plus, l’action et le mouvement, ingrédients indispensables pour capter l’attention des lecteurs. C’est aussi une histoire de la condition des comédiens voués aux enfers dans la société du xvii siècle. Les aventures de Sigognac sont une succession de péripéties qui a donné à ce roman un fabuleux destin cinématographique. La qualité de l’écriture, l’humour et la sensibilité donnés par Gautier à son histoire ont fait du Capitaine Fracasse une grande œuvre littéraire.


Le Capitaine Fracasse à l’écran

À ce jour, le roman de Gautier a été adapté à dix-sept reprises au cinéma et à la télévision. On compte sept films muets, quatre films sonores et six versions portées à la télévision (trois « théâtres filmés », deux mini-séries, une série d’animation). Si ces adaptations sont souvent l’œuvre de réalisateurs et de producteurs français (six), on trouve autant de réalisations italiennes (six), aux côtés d’américaine (une), de soviétique (une), sans compter les coproductions franco-italiennes (deux) et franco-hispano-italiennes (une), signalant la résonance internationale de l’œuvre. Cette forte représentation transalpine peut s’expliquer par le fait que le roman de Gautier met en scène le théâtre de tréteaux, à l’origine né sur les places publiques, dont les personnages de la troupe (Isabelle l’ingénue, Matamore, Scapin) sont issus de la commedia dell’arte italienne, même si le Capitaine Fracasse fait aussi appel à la comedia de capa y espada espagnole, à l’origine du roman de cape et d’épée.


Le roman de Gautier n’est pourtant pas celui qui a été le plus porté à l’écran dans le genre cape et d’épée. Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas père restent de loin l’œuvre qui a inspiré le plus d’adaptation à l’écran en France et à l’étranger (2). Elles sont dues autant à la renommée internationale de son auteur qu’à celle de son œuvre. En revanche, on peut mettre sur une même échelle le Capitaine Fracasse et Le Bossu de Paul Féval (onze adaptations).

La première adaptation de l’œuvre date de 1909. Il est à noter qu’elle n’est pas française mais italienne, Ernesto Maria Pasquali devançant de peu la version de Victorin Jasset, l’un des grands réalisateurs de la Belle Époque, sortie la même année. Parmi les films les plus notables, on peut signaler celui d’Alberto Cavalcanti, réalisateur français d’origine italo-brésilienne, qui signe en 1929 une version (encore muette) fortement influencée par les surréalistes et l’avant-garde française. Ancien combattant de la Grande Guerre, Pierre Blanchar y incarne un Fracasse maniant la rapière avec agilité. Il campera le rôle de Napoléon dans A Royal Divorce, film britannique de 1938. Vallombreuse est incarné par Charles Boyer dont c’est le premier rôle important avant qu’il fasse une grande carrière à Hollywood. Lui aussi incarnera l’Empereur dans Marie Walewska, film américain de 1937.

En 1943, c’est au tour d’Abel Gance d’adapter l’œuvre de Gautier en pleine Occupation, tâche alimentaire accomplie avec des capitaux italiens. Le tournage s’avère difficile, les relations entre les acteurs exécrables (Maurice Chevalier et Claude Dauphin ont refusé le premier rôle qui échoie à Fernand Gravey, acteur belge), les devis sont dépassés sans compter les ennuis de Gance avec la Gestapo qui le soupçonne d’être Juif. Si le réalisateur a vu son film amputé par la production, comme l’avait été son Napoléon (1927), il fut bien reçu du public mais égratigné par la critique.


En 1961, Pierre Gaspard-Huit réalise la version la plus proche du roman et la plus connue du grand public, celle avec Jean Marais dans le rôle-titre qui était en plein dans sa période de cape et d’épée. À l’origine, c’était le jeune Jean-Pierre Cassel qui devait jouer Sigognac mais la production a préféré un acteur plus célèbre bien qu’âgé pour incarner le rôle. Il est à noter que ce film, où l’accent a été mis sur l’aspect comique, est l’un des premiers où le rôle de Louis de Funès (Scapin) commence à compter, et où l’on voit apparaître Philippe Noiret et Jean Rochefort au début de leur carrière. Cette version est l’exemple même du cinéma commercial à la française, au temps de l’âge d’or des coproductions franco-italiennes dans les années 1950-1960.


Dans le cadre du Théâtre de la Jeunesse de Claude Santelli, l’ORTF diffuse en 1961 et 1968 deux nouvelles adaptations du roman en « théâtre-filmé ». Cette émission populaire à succès était un outil d’instruction à destination des adolescents pour leur faire connaître des œuvres classiques. Enfin, on peut encore citer l’adaptation du réalisateur italien, Ettore Scola, qui, avec Le Voyage du Capitaine Fracasse (1990), prend ses distances avec le roman pour explorer la condition humaine, celle de la misère quotidienne des comédiens itinérants. Dans une distribution essentiellement italienne, on retrouve Vincent Pérez (Sigognac), Emmanuelle Béart (Isabelle) et Jean-François Perrier (Matamore). L’artificialité onirique du film tourné entièrement dans les studios Cinecittà de Rome contraste avec un réalisme cru et amer.


Bibliographie

G. Dupouy, « Parenté et descendance de Théophile Gautier dans les Landes et ailleurs », Bulletin de la Société de Borda, 2 et 3/1978. I J. Gautier, Le second rang du collier, Paris, Félix Juven, 1903. I G. de Senneville, Théophile Gautier, Paris, Fayard, 2004.


La carrière de Pierre Ismert

Natif de Moselle, Pierre Ismert (1768-1826) participe aux différentes campagnes de la Grande Armée avant de passer en Espagne en 1808 à la tête du 2e régiment de Dragons dans lequel il s’illustre. Fait général de brigade en 1813, il prend part à la bataille de Vitoria (21 juin 1813) avant de retraiter avec l’armée impériale derrière les Pyrénées.

C’est au cours d’un de ses cantonnements dans les Landes qu’Ismert fait la connaissance d’Émilie de Poudenx, dont le père, ancien général sous l’Ancien Régime, était maire d’Arengosse. La famille de Poudenx était prestigieuse : elle avait fourni un maréchal de France, plusieurs généraux et trois archevêques. Le frère d’Émilie, le capitaine Léonard de Poudenx, était l’aide-de-camp du général Lamarque qui combattait encore en Catalogne. Toujours est-il qu’un mariage est conclu rapidement et célébré au château de Castillon le 27 novembre 1813. C'était une belle promotion sociale pour Ismert, qui nanti de sa gloire militaire et de son titre de baron d'Empire, faisait son entrée dans l'ancienne noblesse. Pour assurer son nouveau statut, il achète, dès octobre 1813, le château de Castillon à son beau-père qui était dans la famille de Poudenx depuis le XVIIe siècle. Il semble qu'Ismert n'ait pas fait une affaire car le château était en mauvais état. Il s’avère également que son beau-père ne lui a pas fait non plus de cadeau puisqu’Ismert a dû débourser 256 000 F dont 40 000 comptants, le reste étant étalé sur six ans. Après l’abdication de Napoléon, en 1814, Ismert a été nommé commandant du département des Landes, grâce aux relations qu’avaient son beau-père à la cour royale (A). Lorsqu’il a appris le retour de Napoléon, il s’est rallié publiquement à lui mais l’Empereur s’est contenté de le reconduire dans ses fonctions. Sa cohabitation avec le nouveau et jeune préfet impérial, Charles-Jean Harel – futur amant de Mlle George et directeur de l’Odéon et du théâtre de la Porte Saint-Martin sous la monarchie de Juillet – s’est toutefois mal passé au point qu’il a fini par être destitué et emprisonné. Pour peu de temps puisqu’il réussit à s’évader et à capturer le préfet après l’annonce de la seconde abdication de Napoléon. Peu après, il est réinstallé par le comte de Damas, représentant du duc d’Angoulême. Mais la Terreur blanche dans le Midi et un rapport défavorable à son encontre qui conclut à sa duplicité lors des Cent-Jours, lui valent d’être destitué en octobre 1815 et mis à la retraite en 1816.


Pour dire l’étendue de ses appuis, Il avait réussi à obtenir un emploi d’aide de camp auprès du roi pour son fils Léonard. Malheureusement, le rapport du maréchal Suchet, après les troubles à Narbonne, l’avait peint comme un « dangereux républicain ».


Gautier et les Bonaparte

Durant sa vie, Gautier s’est toujours montré indifférent à l’égard de la politique. Ce qui ne l’a pas empêché d’afficher une proximité avec la princesse Mathilde, cousine de Napoléon III, à qui il dédie des poèmes. Il reçoit même une pension de l’empereur et de la princesse pour sa place de bibliothécaire, une sinécure. En 1869, il est invité par l’impératrice Eugénie pour l’inauguration du Canal de Suez. Son fils, Théophile junior, a fait ses premières armes comme journaliste au Moniteur avant d’embrasser une carrière préfectorale. Après la chute de l’Empire, il devient le secrétaire d’Eugène Rouher, chef du parti bonapartiste au début de la IIIe République.


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