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Le général François Étienne Kellermann

« avec sa bravoure et son impétuosité ordinaire »

Selon les mots de Thiard, il est l'un des grands officiers du Consulat et compte parmi les principaux acteurs de la bataille de Marengo. car sans le fils du héros de Valmy, les combats auraient sans doute pris une tournure différente le 14 juin 1800.



Si le nom de Kellermann père est associé pour toujours à la célèbre bataille de Valmy, celui de son fils le sera pendant une vingtaine d’années, en étant attaché à la cavalerie napoléonienne. Il est né le 4 août 1770 rue d’Asfeld à Metz, et a été baptisé le même jour ; il est le fils du futur maréchal François Étienne Christophe et de Marie-Anne Barbé (1750-1812). Son parrain est son oncle François Étienne Barbé, d’où ses prénoms. Il a tout juste quinze ans quand il embrasse la carrière des armes.


De l’Ancien Régime au Consulat

Sous-lieutenant de remplacement au régiment Colonel-général de hussards en 1785, il est nommé sous-lieutenant le 1er mai 1791. Il accompagne le chevalier de Ternan, ambassadeur aux États-Unis, et se trouve employé au consulat de France à New-York. Rentré en France, nommé lieutenant le 10 mai 1792, il devient aide de camp surnuméraire de son père le 20 novembre 1792 à l’armée des Alpes et au siège de Lyon.


Suspendu de ses fonctions le 12 octobre 1793 en même temps que son père, il est détenu à l’Abbaye puis libéré. Engagé volontaire au 1er hussards en 1794, il est à nouveau aide de camp de son père en 1795. Nommé adjudant général chef de brigade le 8 mai 1796, il sert en Italie (Lodi, Milan, Pavie, Bassano, Arcole, La Piave, Rivoli, Tagliamento en étant blessé de plusieurs coups de sabre). Bonaparte le charge par Bonaparte d’aller porter les drapeaux au Directoire et il est nommé général de brigade le 28 mai 1797.


Il sert ensuite sous Masséna en 1799, à l’armée d’Angleterre puis à l’armée de Rome et à celle de Naples. Lors de cette campagne, placé en avant du village de Nepi, le 13 décembre 1798, il résiste à la première colonne, qui l'attaque avec résolution, et n'ayant avec lui que deux bataillons, trois escadrons de chasseurs et deux pièces d'artillerie légère, il parvient quand même à mettre en déroute 8 000 ennemis avec un résultat surprenant : 500 tués ou blessés, 5 pièces de canon, 30 caissons de munitions, 2 000 prisonniers, des étendards, 2 000 fusils, tous leurs bagages et effets de campement, qui sont les trophées de cette journée. Il se dirige ensuite sur Viterbe et délivre les soldats français prisonniers. De là, il se dirige sur Rome pour rejoindre l’armée qui allait marcher sur Naples.


La célèbre charge

Kellermann est employé à l’armée de Réserve en mars 1800. Il commande une brigade de cavalerie sous Murat le 20 avril puis une brigade de grosse cavalerie à la division Harville le 14. Signalons que la grosse cavalerie ne porte pas encore la cuirasse mais qu'elle est alors formée de cavaliers de grande taille portant le long sabre droit et toujours coiffés du bicorne de feutre noir.


Alors que la bataille semble perdue, l’arrivée de Desaix change tout. Savary part au galop vers Bonaparte délivrer le message de son général. Ce dernier lui indique qu’il va faire porter l’ordre à Desaix d’attaquer la forte colonne autrichienne, puis, il lui montre un point noir dans la plaine (vers San Giuliano) en indiquant : « Vous y trouverez le général Kellermann, qui commande cette cavalerie que vous voyez, vous lui apprendrez ce que vous venez de me communiquer et vous lui direz de charger sans compter, aussitôt que Desaix démasquera son attaque. Au surplus, restez près de lui ; vous lui indiquerez le point par où Desaix doit déboucher, car Kellermann ne sait même pas qu’il soit à l’armée. » Kellermann va donc exécuter une charge, sur le flanc gauche de la colonne autrichienne, dont il n’a cependant pas pris l’initiative, comme on le lit parfois, et qui sera malgré tout définitive pour le gain de la bataille.


Le général Quiot précise « en flanc et de revers ». De retour à son quartier général, vers 19 h, Bonaparte témoigne à Bourrienne des vifs regrets de la perte de Desaix et ajoute : « Ce petit Kellermann a fait une heureuse charge, il a donné bien à propos ; on lui doit beaucoup. Voyez à quoi tiennent les affaires. » Quelques heures après, le Premier consul aurait cependant reçu froidement Kellermann, lui disant seulement : « Vous avez fait une assez bonne charge. »Marmont écrit dans ses Mémoires : « Jamais la fortune n’intervint d’une manière plus décisive ; jamais général ne montra plus de coup d’œil, plus de vigueur et d’à-propos que Kellermann dans cette circonstance. »


Fort de son succès, conjugué à l’attaque de Desaix, Kellermann se dirige sur les dragons de Liechtenstein et les met en fuite. C’est la panique dans l’armée autrichienne dont le général Mélas a quitté le champ de bataille pensant la victoire déjà acquise ; d’autre part son chef d’état-major, le général Zach, va être tué. Enfin, on trouve dans le rapport officiel de Berthier, relatif à la bataille le commentaire suivant : « Le général Kellermann, qui avait soutenu le mouvement de retraite de notre gauche, saisit le moment où l’infanterie ennemie, après avoir été ébranlée, cherchait à attaquer de nouveau. Il charge avec impétuosité, fait plus de 6 000 prisonniers, prend dix pièces de canon et le général Zach, chef de l’état-major de l’armée. »

Le général autrichien Mélas, enfermé dans Alexandrie, envoie le soir même un message à Vienne dans lequel il explique que « la charge de Kellermann avait rompu les soldats et ce brusque et terrible changement de fortune a fini par briser le courage de ses troupes. Le désordre de la cavalerie qui avait désorganisé notre infanterie a précipité sa retraite. »


Mariage avant l’Empire

Kellermann est nommé général de division le 5 juillet 1800 puis commande une division de grosse cavalerie en 1801. Il se marie à Milan le 11 septembre 1800 avec Thérèse Gnudi (Bologne, 28 avril 1765 – Batignolles, 30 septembre 1844), de nationalité italienne, qui est la fille d’Antoine marquis de la Sammartina, trésorier général de Bologne. Elle est l’épouse divorcée de Charles-Philippe comte Aldrovandi Marescotti. De son union avec François Kellermann (2e duc de Valmy) naîtront Félix, Hippolyte (ces deux premiers nés avant mariage) et Edmond (3e et dernier duc de Valmy, 1802-1868), dont une seule fille Henriette (1841-1920).


Le général est ensuite nommé inspecteur des troupes à cheval de l’armée d’Italie le 24 juillet puis commande la cavalerie qui se trouve dans le Hanovre, en février 1804. Commencent alors les guerres de l’Empire, dans lesquelles il va prendre part jusqu’en Belgique en 1815. Entre temps, il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 15 octobre 1803 puis grand officier le 14 juin 1804.


À la Grande Armée

Le voici maintenant partie prenante dans la célèbre (première) Grande Armée, en qualité de  commandant la division dite d’avant-garde du 1er corps (Bernadotte), en septembre 1805. Cette division comprend le 27e léger (colonel Charnotet), les 4e (colonel Burthe) et 5e hussards (colonel Schwarz) : en tout 2 045 fantassins, 987 cavaliers et 148 artilleurs. Il a sous ses ordres les généraux Frère et Picard et sera blessé à Austerlitz d’une balle qui lui traverse une jambe.


L’année suivante, le 5 octobre 1806, il prend le commandement de la cavalerie du 3e corps de réserve sur le Rhin, corps placé sous les ordres de son père, rôle familial et modeste lui permettant de se remettre de sa blessure dans les meilleures conditions. Il est ensuite nommé gouverneur de la principauté de Hanau en février 1807.


Dans la péninsule Ibérique

La guerre d’Espagne et du Portugal ne sera pas un terrain où le général laissera un grand souvenir. Nommé commandant la cavalerie du corps d’observation de la Gironde puis de l’armée du Portugal, sous Junot, le 2 août 1807, c’est lui qui est chargé de négocier et de signer la convention de Cintra le 30 août 1808. Le 9 janvier 1809, il prend le commandement de la 2e division de dragons qui est à Burgos puis commande l’armée de réserve en Castille en mars. Il est vainqueur du duc del Parque à Alba de Tormès le 28 novembre.


Nommé gouverneur des provinces de Toro, Palencia, Valladolid le 4 juin 1810, il commande ensuite l’armée du Nord en Espagne en septembre 1810. Il est rappelé en France et est accusé de réquisitions abusives et de brigandage. Le mémorialiste Gonneville laisse un « portrait » peu flatteur : « Le général Kellermann, fils du maréchal de ce nom, nous reçut fort bien. Je désirais depuis longtemps le connaître, sachant le rôle qu’il avait joué à la bataille de Marengo, dont le succès dans un moment désespéré, lui fut à peu près dû. C’était un petit homme d’apparence chétive et maladive, ayant le regard intelligent mais faux. Pendant le court séjour que nous fîmes à Valladolid nous apprîmes sur son compte des choses qui le firent cruellement baisser dans notre opinion. C’était un concussionnaire impitoyable : sous des prétextes politiques, il faisait plonger dans les anciens cachots de l’Inquisition les plus notables habitants soumis à sa domination, ce qui constituait le quart de l’Espagne, puis il entrait en composition avec les familles pour rendre ses prisonniers à la liberté à prix d’argent qu’il mettait dans sa poche. Plus tard, sous la Restauration, il eût une grande réputation de piété. »


Dans ses Mémoires, Thiébault rapporte une réflexion du général qui disait : « S’étaient-ils imaginé que j’avais passé les Pyrénées pour changer d’air ! » Voilà qui en dit long sur ses travers.


De la Russie à la Première Restauration

Commandant la 3e division de cavalerie légère à Vérone le 9 janvier 1812, alors placée au 3e corps de réserve de cavalerie sous Grouchy, il est nommé au commandement de la 1re division de cavalerie légère en février. Malade alors qu’il se rendait à son commandement pour participer à la campagne de Russie, il ne peut servir et est remplacé par Chastel. Remis en activité de service le 8 avril, il est chargé d’une inspection dans la 5e division militaire en octobre.


Il est admis à la retraite, pour des raisons de santé le 11 mars 1813 – avec 6 000 francs par an – puis rappelé à l’activité sur sa demande. Il sert alors en Saxe, sous Ney, en avril en étant présent à Rippach (où est tué Bessières), à Lützen, à Königswartha, à la prise de Klix, à Bautzen. Nommé commandant du 4e corps de cavalerie, composé de Polonais, il charge à Dresde à la tête de ses cavaliers. Il est également présent à Wachau et Leipzig. Pour l’anecdote, il perd une partie de ses effets le 22 octobre 1813, entre Gotha et Erfurt, et en demande le remboursement, savoir : 1 voiture, 1 habit brodé, 6 vestes, 6 culottes de casimir, 24 chemises, 24 bas et 24 mouchoirs. Les généraux Bordessoulle et Milhaud qui étaient dans le même cas recevront chacun 6 000 francs.


Au début de la campagne de France, il prend le commandement du 6e corps de cavalerie, qui vient d’Espagne, et sert sous Grouchy en Champagne. Il est à Mormant le 17 février, à Bar-sur-Aube le 27, au combat sur la Barse le 3 mars et à Saint-Dizier le 26.


Lors de la Première Restauration, il est membre du Conseil de guerre pour la Garde royale, le 6 mai puis se voit nommé inspecteur général pour l’organisation de la cavalerie à Lunéville et à Nancy, le 1er juin. Chevalier de Saint-Louis le 2 juin 1814 et grand cordon de la Légion d’honneur (selon la formulation de l’époque) le 23 août 1814, il était également commandeur de la Couronne de Fer du royaume d’Italie.


Après le débarquement de Napoléon à Golfe-Juan, commandant alors une division de cavalerie sous le duc de Berry le 16 mars 1815, on trouve cependant, dans son dossier au Service historique de la Défense, une lettre écrite de sa main par courrier adressé au ministre de la Guerre le 7 mars 1815 qui demende son ralliement… à l’Empereur ! Il est nommé pair de France le 2 juin 1815.


La campagne de Belgique

Il fait la campagne de Belgique en qualité de commandant le 3e corps de cavalerie, formé des divisions Lhéritier et Roussel d’Hurbal. Le 16 juin se déroule la bataille des Quatre Bras qui oppose le maréchal Ney aux troupes de Wellington. Un peu après midi, le maréchal, sur de nouveaux ordres de l'Empereur, se met en marche vers le carrefour des Quatre Bras avec tout son corps d'armée. Vers 14 h, les troupes françaises engagent le combat. Ney, qui dans cette journée n’aura aucun rôle décisif comme l’attendait Napoléon, se décide à frapper fortement ; il dit à Kellermann : « Mon cher général, il s'agit du salut de la France. Il faut un effort extraordinaire. Prenez votre cavalerie, jetez-vous au milieu des Anglais. Écrasez-les, passez-leur sur le ventre ! » Kellermann fait cependant observer qu'il ne dispose pas d'assez de monde pour obtenir un succès décisif. Le maréchal lui promet de le faire soutenir par le reste de sa cavalerie et Kellermann se place à la tête de la brigade Guiton composée des 8e et 11e cuirassiers (ce dernier combat sans cuirasses). Il charge en direction du carrefour et enfonce plusieurs bataillons ennemis. Toutefois, Ney, malgré sa promesse, n’a pas pris de dispositions pour appuyer cette charge : la cavalerie française ne peut exploiter son avantage.

Obligé de rétrograder, Kellermann tombe avec son cheval, qui vient d'être blessé à mort, et doit s'accrocher aux étrivières de deux cuirassiers pour regagner les lignes françaises. Ayant perdu 250 tués ou blessés, la cavalerie de Kellermann se replie sur Frasnes. L’échec des Quatre Bras est à imputer à Ney et à l’inactivité du corps de Drouet d’Erlon qui passera sa journée entre les Quatre Bras et Ligny.


Deux jours après, Kellermann sert à Waterloo et est blessé lors de la grande charge. Après la campagne, il écrit au ministre et demande à pouvoir résider à Paris.


De la Restauration à son décès

De retour en France puis à Paris, il y reste avec Gérard et Haxo pour négocier avec le roi au nom de Davout, le 3 juillet. Le 1er août 1815, il est mis en disponibilité puis en non-activité le 4 septembre. Il perçoit alors une demi-solde de 7 500 francs par an.


La Restauration le nomme marquis de Valmy le 31 août 1817, duc et pair de France à la mort de son père le 12 septembre 1820, puis il est reçu à la chambre des Pairs le 28 décembre. Membre du Conseil supérieur de la guerre le 28 février, président chargé de donner son avis sur le projet d’organisation de la cavalerie le 4 octobre 1830, il est lors du procès des ministres de Charles X en décembre 1830 un des cinq pairs qui votent la mort.

Placé dans le cadre d’activité de l’état-major général le 7 février 1831, il est de nouveau disponible le 1er juillet suivant. Il décède cependant d’une affection du foie à Paris (10e) le 2 juin 1835 et est inhumé au Père-Lachaise (30e division). Son nom est gravé sur le pilier sud de l’Arc de Triomphe (21e colonne). Comme en témoigne son dossier aux Archives nationales, « il a donné des preuves de bravoure et de talents dans toutes les occasions ».

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