« Courir jour et nuit avec une faible escorte dans un pays hostile, porter des ordres à des corps isolés à travers les rangs de l’armée adverse, traverser à toute bride les terrains labourés par toutes sortes de mitraille, puis, au retour, passer des nuits à de fastidieuses paperasseries, voilà le métier des aides de camp, qualifiés d’officiers de salon par leurs collègues des troupes. Injustice causée par la jalousie de les savoir près du soleil. » Lorsque débutent les événements révolutionnaires, l’état-major a été organisé avec le règlement du 12 août 1788 : si la fonction d’aide de camp existe, elle n’est pas reconnue. Les aides de camp sont officiellement créés par la loi du 29 octobre 1790. Leur nombre au complet arrêté à cent trente-six, à raison de quatre pour le général d'armée, deux pour le lieutenant-général et un pour le maréchal de camp. Ils sont pris dans toutes les armes, leur choix devant être confirmé par le roi, ce qui implique la conservation de l’état-major malgré le changement de général. En 1791, ils reçoivent la couleur chamois comme distinctive, avec notamment un plumet noir à sommet chamois.
L'arrêté du 14 juin 1794 leur donne un uniforme spécifique, qui est reconnaissable. Il est composé d'un habit de drap bleu national, doublé de bleu. Le collet est renversé en drap bleu céleste. Les retroussis bleu national avec parements écarlates à pattes de parement en drap blanc ; poches en travers ; passepoil en drap écarlate au collet, aux pattes et aux poches, passepoil en drap bleu aux parements. Ils portent un chapeau avec ganse en fil d’or de six lignes de large, avec la cocarde et plumes tricolores. Ils ont une redingote bleu national, avec collet bleu céleste, parements écarlates et pattes de parement blanche ainsi qu’un manteau, sans manches, bleu national avec collet bleu céleste. Ils porteront l’épaulette or de leur grade. La loi du 3 avril 1795 chamboule le choix des aides de camp. Désormais, les généraux peuvent les prendre dans toutes les armes.
Uniformisation républicaine
C'est un arrêté du Directoire qui les dote de l'élément le plus significatif : le brassard. En effet, le texte du 30 janvier 1796 précise que les aides de camp porteront au bras gauche une petite écharpe absolument conforme, pour la couleur et la frange, à celle des généraux auxquels ils sont attachés. Il en est de même, règlementairement, pour le plumet de leur chapeau. Le 22 septembre 1798 est fixé un nouvel uniforme pour les aides de camp. Ils portent l’uniforme des régiments et des demi-brigades dont ils font partie, avec les marques distinctives de leur grade. Ils sont distingués par leur brassard brodé et à franges. Sa couleur est la même que celles des écharpes des généraux, auprès desquels ils font leur service : celle du général de division est de soie rouge, celle du général de brigade de soie bleu céleste. Leur plumet est sans plumes d’autruche ni follettes ; il est bleu, blanc rouge, jaune en tête ; hauteur, trois décimètres. Le petit uniforme est un frac bleu national.
Une tenue réglementée
Le règlement du 24 septembre 1803 redéfinit l’uniforme des aides de camp. Leur habit de grand uniforme est un frac en drap bleu national, retroussis ornés d’une demi-foudre brodée or avec poches en travers. Le collet et les parements sont bleu ciel. La veste est en drap blanc, le pantalon en drap bleu. Les épaulettes sont doublées de drap bleu ciel. Ils portent des bottes à la hussarde. Ils ont un habit de petit uniforme qui est du même type que l’habit de grand uniforme, avec pour différence les poches non apparentes.
Ils portent une redingote en drap bleu national avec collet renversé et parements bleu ciel, fermée par deux rangs de boutons. Ils sont dotés d’un sabre modèle vendémiaire qui est suspendu à un ceinturon en cuir noir, bordé d’une baguette dentelée brodée en or, la plaque avec les symboles de la fonction étant en métal doré.
Ils portent sur le bras gauche le brassard brodé de feuilles de chêne d’or, avec franges en or selon le grade de l’officier : les aides de camp des généraux en chef ont un plumet blanc surmonté de rouge avec un brassard blanc ; les aides de camp des généraux de division, plumet bleu national surmonté de rouge avec un brassard écarlate ; les aides de camp des généraux de brigade, plumet et brassard bleu de ciel.
Même si avec ce règlement les aides de camp se trouvent uniformément habillés, ainsi que le signalent les nombreux souvenirs militaires, ils portent souvent des tenues fantaisistes ; surtout ceux attachés aux généraux, lesquels tolèrent les infractions à la règle dans le but d'avoir, pour les escorter, des aides de camp plus brillants.
Cette fantaisie se trouve déjà dans les ceinturons, en cuir noir, en maroquin rouge ou même en maroquin vert. En campagne, ce ceinturon peut être en buffle blanc, parfois fauve. Que dire des gibernes, qui suivent la même diversité ! De fait, les habits aussi se trouvent modifiés : les revers apparaissent, ainsi que pour certains, une patte sur le collet. Pour d’autres, la culotte hongroise galonnée apparaît à la place du pantalon.
Organisation consulaire
La République, confrontée à la guerre, réorganise les aides de camp. Le décret du 12 août 1793 fixe leur nombre : six au lieu de quatre pour les généraux en chef, pris dans les officiers de l’armée. Le Consulat cherche ensuite à « avoir l'élite des aides de camp ».
C’est avec l’arrêté du 8 octobre 1800, réorganisant les état-majors et définissant clairement le rôle des adjoints, que la place des aides de camp est nettement définie. Cet arrêté précise leur situation et marque nettement leur différence avec les adjoints qui étaient attachés aux adjudants-généraux comme les aides de camp l'étaient auprès des généraux. Par ce nouvel arrêté, les adjoints cessent d'être affectés spécialement aux adjudants-commandants et prennent le titre d'adjoints à l'état-major général de l'armée. Avec cet arrêté, les généraux de division se voient attribuer trois aides de camp, dont un seulement pourra être chef d’escadron, et les autres, capitaines ou lieutenants ; les généraux de brigade ont deux aides de camp, capitaines ou lieutenants. Toutefois le ministre de la Guerre perçoit bien que leur nombre sera toujours insuffisant. Dès le 16, il demande à augmenter le nombre d'officiers à la suite de deux à trois, voire dans l'idéal à cinq « afin de fournir tous les aides de camp et adjoints » (1). De même, il cherche à augmenter la qualité des hommes employés à ces fonctions en interdisant les fonctions d'aides de camp aux officiers réformés et en retraite.
Avec l’arrêté du 5 novembre 1800, le mode d’accès à la fonction est défini : pour être nommés, les aides de camp devront avoir fait au moins deux campagnes en cette qualité ou en celle d’adjoint, ou seront pris parmi les officiers ayant servi au moins deux ans dans les troupes de ligne. Le gouvernement fait alors le choix de la compétence et de l’expérience pour ce corps sur lequel reposent des missions importantes. Il fait aussi la différence entre les aides de camp et les adjoints à l’état-major. La promotion des aides de camp est aussi abordée : afin d’obtenir un grade supérieur, ils devront avoir servi deux ans dans le grade immédiatement inférieur.
Une fonction de confiance
Dès leur formation, les aides de camp deviennent un maillon essentiel dans les options tactiques de la guerre. En effet, de la réussite de leur mission, de la transmission des ordres clairs et nets peut dépendre la victoire ou la défaite. Pour Napoléon, « les officiers d’état-major ne sont pas des aides, mais des agents du commandement » (2).
Durant l'Empire, « un aide de camp est un officier attaché à la personne d'un général, d'un maréchal ou d'un souverain, dont le rôle principal est de transmettre les ordres verbaux ou écrits qu'il reçoit. Il s'agit essentiellement d'assurer une liaison efficace entre la tête et les membres. Toutefois, cet officier se doit aussi d'être polyvalent pour pouvoir remplir tout type de mission dont il se voit chargé, depuis la reconnaissance du terrain jusqu'au renseignement et à l'espionnage, en passant par la participation à des négociations en qualité de plénipotentiaire » (3). S'l existe des avantages liés à la fonction et au poste d’aide de camp, leurs missions sont donc nombreuses, harassantes et parfois longues. Lorsque l’armée se prépare à entrer en campagnes, ces missions deviennent nombreuses et harassantes, soutenues à un rythme effréné au fur et à mesure que les choses s’organisent et que le moment fatidique de l’entrée en campagne approche : ainsi, « en cette fin d'hiver 1812-1813, avant la reprise des combats, Flahaut est impliqué dans trois vastes axes de missions : le rétablissement de la cavalerie, la communication entre Napoléon et ce qu'il reste de la Grande Armée en Allemagne et, plus généralement, la collecte de renseignements sur les différentes formations et leur approvisionnement » (4). En campagne, « sans eux, les mouvements de troupes lors d’une bataille ou les déplacements d’une armée entière perdent toute cohérence » (5). Ils sont aussi employés pour des objets moins dangereux, mais qui participent à leur fatigue : visiter des postes ou établir des relevés topographiques. De fait, la « consommation » d’aides de camp par les généraux est importante sous l’Empire d’autant plus que leur nombre sera toujours insuffisant.
Parmi les avantages du poste se trouve l’évidente possibilité de gravir rapidement les échelons hiérarchiques et obtenir un brevet d’officier supérieur. En effet, les aides de camp, plus que les officiers des régiments, connaissent les rouages organisationnels des états-majors, ont un carnet d’adresse rempli et des relations privilégiées avec les décisionnaires. Hommes du monde également, ils connaissent l’étiquette qui régit la vie des soirées et des bals : ils y jouent, en représentation, leur carrière et sont porteurs de l’image de leur général.
Nominations : de la compétence à la représentation
Le décret du 16 février 1805 précise le nombre d’aides de camp pour les généraux en introduisant la quantité attachée à la distinction du maréchalat. Les maréchaux ont cinq aides de camp, dont un pris parmi les adjudants-commandants. L'article 2 reconduit le chiffre d’octobre 1800, à savoir trois aides de camp aux généraux de division dont un seulement pourra être chef d'escadron et les autres capitaines ou lieutenants. Les généraux de brigade ont deux aides de camp capitaines ou lieutenants. Si leur nombre de change pas pour les généraux, tous, désormais, « auront droit aux places vacantes dans les corps à pied et à cheval de la ligne, à la nomination du gouvernement, lorsqu'ils ne seront plus employés comme aides de camp » (6). Toutefois cette organisation ne se révèle efficace qu'en temps de paix.
En effet, après 1805 qui voit l’usage des aides de camp en camapgne, il s’avère que, par leurs déplacements continuels, ces officiers sont surmenés, exposés ou mis hors de combat : « Je suis totalement démonté, nos marches ont été si forte que j'ai été obligé de laisser un cheval en route et que le seul qui me reste va probablement éprouver le même sort, je n'ai déjà plus ni pantalon, ni bottes et impossible de pouvoir en faire faire, aussi j'ai plutôt l'air d'un mendiant que d'un officier supérieur » (7).
Le 17 septembre 1806, Napoléon constate que les aides de camp de plusieurs généraux dont Andréossy, Rivaud, Maison, Werlé, Nansouty, Lahoussaye, Morand, Saint-Hilaire, Milhaud ou encore Latour-Maubourg, sont en sous-effectif permanent, un état accentué par les pertes éprouvées. Non seulement il rappelle qu’il leur faut compléter le nombre de leurs aides de camp jusqu’au complet réglementaire, mais que ces derniers ne doivent pas être pris dans les régiments de l’armée mais dans les corps stationnés en France. À son tour, le 23 septembre, Berthier prescrit aux maréchaux de prendre huit aides de camp « dont quatre lieutenants, jeunes, actifs, pour être employés aux missions rapides ».
Afin d’assouplir le recrutement et permettre un état complet des effectifs, les critères de choix sont laissés aux officiers généraux : « Les maréchaux […] préféraient des sujets se distinguant soit par un nom aristocratique reconnu, soit par leur bravoure […], quant aux autres généraux, il semble qu’ils se laissaient guider surtout par leurs convenances et leurs propres relations » (8). Ainsi, les généraux de brigade, nouvellement promus, restent sur la sociabilité régimentaire et accordent souvent leur confiance à des officiers du régiment qu'ils ont commandés, et donc connus. À la recherche de compétences militaires, les généraux cherchent aussi à s’appuyer sur une fidélité éprouvée. Si, comme Marulaz avec Charles Louis Bergeret, aide de camp issu du 8e hussards, ils recrutent dans leur régiment, les généraux choisissent aussi des « paÿs », des concitoyens partageant les mêmes racines et la même sociologie comme Joubert qui engage le capitaine André, bressan comme lui, ou le général Legrand qui emploie son frère. Font exception à ces pratiques les généraux des armes savantes, artillerie et génie, autorisés à prendre leurs aides de camp dans leur arme respective, en lien avec des connaissances techniques précises.
La bigarrure
Durant la campagne de 1805, malgré l’établissement d’un uniforme spécifique, la tenue à la hussarde fleurit dans les état-majors. C'est ainsi que Lejeune représente des aides de camp trinquant à la victoire la veille d'Austerlitz. Cette charmante bigarrure reste en vogue jusqu'au rappel à l'ordre de Berthier du 30 mars 1807. Obligation est faite de porter l’uniforme au règlement, à savoir l’habit bleu, collet bleu ciel et boutons d’aide de camp. Seuls ceux des maréchaux sont autorisés à porter un uniforme à la hussarde mais aux couleurs des aides de camp. Cet ordre est rappelé, le 3 mai suivant, par Berthier : « Pelisse, dolman et pantalons bleus avec collet et parements rouges. Les tresses et galons en or. Le colback pour l’hiver et le shako pour l’été » (9) pour les aides de camp des maréchaux et « habit bleu foncé avec collet bleu de ciel et chapeau » pour ceux des généraux. Le but n’est pas tant de brimer la fantaisie pour coller au règlement militaire que de permettre une bonne reconnaissance de la fonction « afin que Sa Majesté puisse reconnaître les aides de camp d’un général de division ou de brigade, celui d’un maréchal commandant un corps d’armée, celui du major général et celui des princes ». Malgré ce rappel à l’ordre formel, Berthier est obligé de faire la chasse à la non uniformisation des tenues suivant ses vœux : ainsi, lors de la campagne de 1809, il tance un aide de camp de Ney qui porte un pantalon rouge.
Toutefois, ces beaux uniformes, tout chamarrés soient-ils, ne résistent pas à la réalité du terrain, du climat et de la vie en campagne. Au bout de quelques semaines, l'un d'entre eux confie : « Nous sommes faits comme des diables et tous nos habits sont usés et sales à faire horreur. » (10)
Un corps en sous-effectif
Dès octobre 1806, les états-majors se retrouvent étoffés. Toutefois, le corps des aides de camp est de qualité inégale. En effet, forcés de compléter rapidement, si l'on compte des officiers de valeurs, souvent tirés des régiments, se trouvent aussi des hommes fatigués par les contraintes de la guerre, voire vieux, venant des dépôts. Aussi l'usage s'établit-il de prendre, sans titre officiel, des officiers dans les bataillons ou escadrons de guerre bien que, dès le mois de septembre 1806, le major-général soit prévenu que Napoléon n'admette pas cette mesure. Suspendu pour un moment, cet usage se rétablit dès que le besoin d'officiers pour la transmission des ordres se fait sentir.
Avec le décret du 10 mars 1807, la doctrine de recrutement des aides de camp change dès lors que les officiers venant des régiments ne peuvent être employés comme aide de camp sans être remplacés. Comment est-il possible aux régiments de laisser partir des officiers expérimentés ? Ainsi, comme le 88e de ligne en 1809, alors que les régiments ne reçoivent pas assez d’officiers pour combler leurs pertes, comment penser sortir des régiments des officiers expérimentés pour garnir les états-majors ? Dès lors, le nombre d’aides de camp reste insuffisant pour assurer le service auprès des généraux. Cependant, il est indispensable de remplacer les aides de camp fatigués ou blessés. Durant la trêve qui suit la campagne de 1807, on pense à utiliser les aides de camp des généraux blessés autorisés à rentrer en France. C’est ce que prescrit Berthier le 7 avril, en leur demandant de se rendre à l'état-major général pour y être employés jusqu'au retour de leur général. Cette mesure ne semble pas du goût des aides de camp eux-mêmes, ce qui force Berthier à les menacer, s’ils rentrent en France avec leur général, d’être considérés comme ayant abandonné leur poste, donc déserteurs.
À ce sous-effectif latent s’ajoute, à partir de 1809, un recrutement qui vise à s’attacher des noms prestigieux, voire à promouvoir son entourage proche et sa famille, plus que des hommes efficaces : Marbot en fait la cruelle expérience à Wagram avec Masséna et son fils.
Le choix d’une carrière gratifiante
Si une partie des aides de camp est choisie par les généraux, une autre, à l’image de Flahaut, provient de militaires demandant à servir comme aides de camp. Ils estiment que l’« ambition est le vecteur primordial […] qui fait de l'accession à ce poste un but en soi » (11). Pour certains fils de militaires, c’est un moyen de se montrer digne d’un héritage paternel ou familial, et pour certains fils d’émigrés de s’intégrer à la société impériale en renouant avec un passé familial aristocratique. Mais le simple désir de devenir aide de camp n’est pas un moyen en soi. Comme Flahaut, il faut construire sa carrière et adopter un « état d'esprit approprié, au gré de ses nominations dans les états-majors de Murat et de Berthier » (12).
La place est d'autant plus gratifiante que les annonces, fausses, de réduction des effectifs tombent comme des coups de tonnerre, notamment dans les familles : « Qui diable peut t’avoir mis dans la tête que mon général ne conservait pas ses aides de camp ! Est ce qu’il peut s’en passer ? » (13). Fausses, car les aides de camp savent parfaitement que le corps est toujours en sous effectif : « Au contraire il se trouve dans le cas d’en prendre deux de plus. » (14)
À ce projet de carrière s’ajoutent la manière. Il faut en effet avoir la capacité financière de subvenir aux dépenses de sa fonction : payer les uniformes, les armes, l’équipement et les équipages. Ces dépenses se trouvent plus nombreuses lorsqu'ils ne sont pas en campagne et jouissent d'une sérénité reposante : « Je suis ici, chère amie, comme un gros fermier, c’est à dire parfaitement bien, je n’ai rien à désirer, mais je fais beaucoup plus de dépenses qu’à Raguse » (15) écrit Gentil, aide de camp du général commandant à Venise le 27 févier 1808.
Toutefois, ce choix de carrière, ou cette opportunité, n'est pas sans conséquence. En effet, à des conditions de travail difficiles s’ajoutent un quotidien tout aussi rude : « Nous couchons à présent sur la paille et nous avons difficilement des vivres, il faut espérer que cette pénurie ne continuera pas, ce serait fort malheureux » écrit Charles de Biarnois de Baine à sa femme le 10 octobre 1805. Ainsi, comme les officiers des troupes, les aides de camp vivent les mêmes pénuries ; ils sont victimes des vicissitudes du temps qu’ils reconnaissent comme « notre plus grand désagrément […] un temps affreux, une neige et une pluie continuelles, des chemins épouvantables et très froids. Nous ne pouvons sécher, aussi sommes-nous tous très enrhumés. » (16) Ils subissent aussi presque les mêmes privations frumentaires que la troupe, ou du moins s’en plaignent : « J'espère rapporter avec moi mon ancien goût pour la friandise avec d'autant plus de raison que nous faisons fort mauvaise chère depuis que nous sommes en campagne nous avons déjà été réduit à ne manger pour toute nourriture que des pommes de terre cuite à l'eau, sans pain, et de l'eau de marais pour breuvage, aussi nous sommes maigres comme des coucous. »
(1) Lettre du ministre de la Guerre au Premier Consul, 24 vendémiaire an ix, Archives nationales.
(2) Louis Maurer, « Les aides de camp sous le Premier Empire », La Giberne, Colombes, 1911.
(3) Philippe Munsch, Mise en perspective de la carrière d'un aide de camp sous le Consulat et le Premier Empire. Le cas de Charles de Flahaut de La Billarderie (1785-1815), thèse de l'ENC préparée sous la direction de Jacques-Olivier Boudon (Paris 4) et Christine Nougaret (ENC).
(4) Ibid.
(5) Vincent Rolin, Les aides de camp de Napoléon et des maréchaux, Saint-Cloud Soteca, 2005.
(6) Louis Maurer, op. cit.
(7) Lettre de Charles de Biarnois de Baine à sa femme, Lübeck, 7 novembre 1806 (coll. part.).
(8) Louis Maurer, op. cit.
(9) L’ordre du 30 mars ne donne que le colback ou le bonnet à poil.
(10) Lettre de Charles de Biarnois de Baine à sa femme, Spitz, près de Dürnstein, 14
novembre 1805 (coll. part.).
(11) Philippe Munsch, op. cit.
(12) Ibid.
(13) Gentil, aide de camp du général commandant à Venise le 27 févier 1808 (cité par Jérôme Croyet, Paroles de grognards, lettres inédites de la Grande Armée, Marseille, Éditions Gaussen, 2016).
(14) Ibid.
(15) Cité par Jérôme Croyet, op. cit.
(16) Lettre de Charles de Biarnois de Baine à sa femme, sur la rivière Brenz, près d'Ulm, 13 octobre 1805 (coll. part.).
(17) Lettre de Charles de Biarnois de Baine à sa femme, Lübeck, 12 novembre 1806 (coll. part.).
Le prix du sang
À des conditions d’exercice de la fonction difficiles s’ajoutent les dangers de la guerre, d’autant plus présents que les aides de camp sont des cibles privilégiées qu’un uniforme spécifique rend plus facilement reconnaissable. Les missions qui leur incombent les conduisent au cœur du fracas des combats : « J'ai eu les rennes de ma bride coupés d'un boulet et deux autres qui sont tombés aux pieds de mon cheval mais sans me faire d'autre mal que de me couvrir de terre » (A). Ainsi, le taux de mortalité semble assez élevé : sur 1 456 aides de camp en service en 1809, 14% d’entre eux sont blessés ou tués durant cette année. L’année la plus ravageuse pour eux est 1809, avec 188 blessés et 20 morts, suivie de 1812, avec 179 blessés et 25 morts. Entre 1805 et 1815, 112 aides de camp meurent au combat ; 1812 étant l’année la plus mortelle. Pour la même période, 874 sont blessés. L’année la plus dangereuse est 1809, suivie de 1812 et 1813 puisque 42% blessés au combat le sont durant ces trois années. La bataille de la Moskowa est la plus meurtrière, avec 80 tués ou blessés suivie de Leipzig, 61, Wagram, 51 et Essling, 38. La bataille la plus mortelle est le siège de Sagonte où l'on ne déplore que des aides de camp tués et aucun blessé.
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