De l’Ancien Régime à la Monarchie de Juillet, l’abbé de Pradt a publié un grand nombre d’ouvrages, sur la politique nationale et les relations internationales, sur les régimes politiques et leur évolution, sur les institutions, le droit constitutionnel, les gouvernements, les élites et les corps intermédiaires (dans l’ordre du pragmatisme comme dans celui de la philosophie). Ses analyses et réflexions sont souvent d’une grande finesse et d’une incontestable modernité, même si l’auteur s’y montre infatué de lui-même.
Dominique-Georges-Frédéric de Riom de Prolhiac Dufour, baron de Pradt est né en Auvergne, à Allanche, le 23 avril 1759. Quand survient la Révolution, grand vicaire du cardinal de La Rochefoucauld, archevêque de Rouen, il jouit déjà, par son action au sein de l’ordre du clergé et par ses commentaires écrits, de la réputation d’un homme éminemment perspicace et pénétrant. Il est élu député du clergé de Normandie aux États-Généraux de 1789. Force est de constater qu’il ne brille pas à la tribune nationale par son éloquence. Il siège en tout cas parmi les députés les plus hostiles à la naissance d’un nouvel ordre et parait à ce moment-là rejeter bien loin toute idée d’amélioration dans l’état social. Il se hâte, à la fin de la première session, d’émigrer, en choisissant de s’établir dans un premier temps à Hambourg.
En 1798, dans cette ville, il publie, anonymement, un ouvrage intitulé Antidote au Congrès de Rastadt ou Plan d’un nouvel équilibre politique en Europe, où il attaque violemment le gouvernement républicain de la France. L’ouvrage ne suscite qu’un médiocre intérêt en France, mais il est recherché avidement dans les États allemands. Deux ans plus tard, il fait paraître, toujours anonymement, une brochure portant le titre La Prusse et sa neutralité. Il y blâme le système politique de cette puissance. Mais, d’une manière générale, selon les auteurs de la Biographie nouvelle des contemporains (1), l’émigré de Pradt emploie toute son intelligence à dresser les monarques de l’Europe contre la république française.
L’aumônier du dieu Mars
Après le coup d’état de Brumaire, désirant apparemment intégrer cette république qu’il a tant honnie et dont il est convaincu qu’elle va probablement disparaître parce que le pouvoir se trouvera bientôt concentré entre les mains d’un seul homme, il obtient, par l’entremise d’un parent – le futur général Duroc –, la permission de revenir à Paris, et est présenté au Premier consul. La culture dont fait montre l’abbé, son enthousiasme, quelques éloges adroits et l’engagement pour un entier dévouement, dont d’ailleurs Duroc se porte garant, séduisent Bonaparte : Pradt est nommé Premier aumônier du Premier consul. Leur relation durera treize années.
Il assiste évidemment au couronnement de l’Empereur en décembre 1804 et reçoit à cette occasion le titre de baron et une gratification de 40 000 francs. Le 2 février 1805, sur intervention de Napoléon, il est élevé au siège épiscopal de Poitiers et a même l’avantage d’être sacré par le pape Pie VII en personne. Il reste toutefois Premier aumônier et se plaît alors à dire à ceux qui le félicitent sur sa faveur et ses dignités qu’il est devenu « l’aumônier du dieu Mars ». Pradt accompagne Napoléon à Milan, lorsque l’Empereur se fait couronner roi d’Italie, et il officie pontificalement à cette cérémonie.
En 1808, il participe activement aux négociations de Bayonne, qui privent momentanément une branche de la maison de Bourbon du trône d’Espagne. Napoléon, satisfait des services de Pradt, lui accorde une nouvelle gratification de 50 000 francs et le fait admettre, en février 1809, comme archevêque de Malines et officier de la légion d’honneur (2).
Deux ans plus tard, Pradt est envoyé auprès du pape, à Savone, et déploie beaucoup de zèle et de talents dans les négociations qui sont alors menées par le Saint-Siège et l’Empereur sur différents sujets fondamentaux. Jusque-là, une grande entente complice paraît lier l’Empereur à son Premier Aumônier. La situation va rapidement se dégrader.
Jupiter Scapin
En 1812, Pradt accompagne l’Empereur à Dresde. La guerre contre la Russie a été déclarée et les compétences diplomatiques du prélat doivent être employées sur un nouveau théâtre. C’est dans ce cadre que Pradt devient ambassadeur de France auprès du grand-duché de Varsovie, un mandat qu’il n’a nullement désiré. « La foudre fût tombée à mes pieds, dit-il dans son Histoire de l’ambassade de Pologne, que je n’eusse pas senti un froid plus mortel courir dans mes veines […]. J’avais toujours eu en horreur l’expédition de Pologne. » Il occupe ce poste difficile pendant toute la campagne franco-russe de 1812 et, cette fois, ses services sont bien loin d’être aussi favorablement appréciés que ceux rendus jusqu’alors, notamment à Bayonne ou à Savone. Après la retraite, Napoléon, en passant par Varsovie, fait appeler auprès de lui son ambassadeur pour une conversation orageuse, sinon violente. Une disgrâce complète suit cet entretien. Il doit d’abord aller à Paris, où on lui signifie que la Grande aumônerie lui est ôtée, et qu’il doit quitter la capitale pour se rendre dans son diocèse de Malines et y rester. C’est ce qu’il fait immédiatement et il ne reviendra dans la capitale française qu’au commencement de l’année 1814.
À Malines, Pradt se remet à l’écriture. Il compose son Histoire de l’ambassade de Pologne, qui ne sera publiée qu’en 1815, après la bataille de Waterloo et l’exil de Napoléon pour Sainte-Hélène. Cet ouvrage aura un immense succès, en particulier auprès des adversaires de l’Empereur déchu, et connaîtra huit éditions consécutives. On y trouve des satires féroces des personnages les plus importants de l’époque, tant français qu’étrangers, mais aussi et surtout des critiques véhémentes contre l’homme que l’auteur a servi et, comme tant d’autres, encensé pendant son règne. « Le génie de Napoléon, y est-il écrit par Pradt, fait à la fois pour la scène du monde et pour les tréteaux, représentait un manteau royal joint à un habit d’Arlequin. Le dieu Mars n’était plus qu’une espèce de Jupiter Scapin, tel qu’il n’en avait point encore paru sur la scène du monde. » (3)
Les alliés entrent dans Paris. Napoléon abdique. Pradt se prononce pour le rétablissement du gouvernement royal et le rappel immédiat des princes de l’ancienne dynastie. Le 7 avril 1814, il est élevé par le Gouvernement provisoire au poste de chancelier de la Légion d’honneur, mais il quitte le poste dès le mois de novembre 1814. Peu après, une nouvelle disgrâce, royale cette fois, dont on ne connaît pas les motifs, l’éloigne de la scène politique et lui fait rechercher une retraite paisible, dans ses terres d’Auvergne. Il s’y trouve encore lors du retour de Napoléon de l’île d’Elbe et s’y tient soigneusement cloîtré pendant les Cent-Jours. Après le second retour du roi Louis XVIII, Pradt ne se voit proposer aucune nouvelle fonction publique. Il parvient toutefois à traiter avantageusement son archevêché de Malines avec le nouveau roi des Pays-Bas et, moyennant une rente viagère de 10 000 francs, cède tous ses droits à ce siège.
L'analyste politique
Pradt rentre alors dans la vie privée et consacre tout son temps, toute son énergie et toute sa culture à la littérature politique. Jusqu’à sa mort, il publie un grand nombre d’ouvrages, largement originaux, pertinents, subtils, riches en termes de prospective (4).
En 1820, il est poursuivi devant la Cour d’assises de Paris pour, prétendument, avoir, par un ouvrage sur le nouveau régime électoral, provoqué à la désobéissance aux lois, réalisé une attaque formelle contre l’autorité constitutionnelle du roi et des chambres, excité à la guerre civile. Il est acquitté. Par les déclarations de l’accusé, les réquisitions de l’avocat général Antoine de Vatimesnil et la plaidoirie de l’avocat André Dupin – l’un et l’autre appelés plus tard à de hautes fonctions (5) –, ce procès est une leçon passionnante de philosophie politique. Comme le souligne la Biographie nouvelle déjà citée, « la maturité de l’âge, le calme des passions et l’expérience péniblement acquise pendant les différentes phases d’une vie agitée, ont enfin inspiré à cet ingénieux écrivain une profonde horreur pour le pouvoir arbitraire » et « les opinions constitutionnelles ont trouvé en lui un courageux et habile défenseur ».
C’est encore durant cette période très féconde en réflexions et ouvrages politiques que Pradt se joint à l’opposition libérale. Le 17 novembre 1827, il est élu député du 1er arrondissement du Puy-de-Dôme, mais il démissionne le 13 avril 1828. Il meurt à Paris le 18 mars 1837.
Misérable coquin !
Dans son ouvrage intitulé Napoléon et ses détracteurs, le prince Napoléon (1822-1891), fils cadet de Jérôme Bonaparte et frère de la princesse Mathilde, plus connu sous le pseudonyme Plon-Plon, explique en introduction qu’il a, durant son enfance, été bercé par le récit de la vie du grand homme, a approché de multiples témoins de son existence, a interrogé ceux qui avaient partagé son glorieux destin ou ses difficultés. Il condamne d’abord l’étude que Taine vient de publier à propos de Napoléon, concluant que l’on est en présence d’une « déchéance de l’historien ». Il en vient naturellement à nommer les contemporains dont Taine invoque le témoignage et que, selon lui, la simple équité aurait dû faire récuser. Parmi ces témoins inopportuns se trouve Pradt, qui, selon Plon-Plon, « investi de la confiance de l’Empereur, a écrit des souvenirs dans lesquels on trouve à chaque page les traces de sa trahison ».
Plon-Plon raconte que, en 1817, à Sainte-Hélène, Napoléon reçoit l’ouvrage signé par Pradt et portant le titre Histoire de l’ambassade dans le grand-duché de Varsovie. Le célèbre exilé le lit et l’annote. Sur l’une des pages, l’Empereur déchu écrit : « Misérable coquin ! » Il n’en faut pas plus pour que le prince Napoléon dresse immédiatement un portrait très sévère de Pradt, « modèle accompli d’un type heureusement disparu » : « Il a été le dernier, argumente-t-il, en France, de ces abbés politiques, célèbres par leur esprit d’intrigue, généralement dénués de tout scrupule, et honorant rarement par leurs vertus le sacerdoce dont ils n’avaient que l’habit. » Il rappelle que, député à l’assemblée constituante, Pradt a pris la défense de l’ancien régime, a voté contre la réunion des trois ordres, a finalement émigré pour rejoindre « le principal foyer des intrigues royalistes ». Il souligne que, au moment de revenir de l’étranger, à l’époque du Consulat, Pradt a écrit à Louis XVIII pour l’informer qu’il rentrait en France aux fins de mieux servir ses intérêts mais a finalement brigué la faveur du gouvernement consulaire. Le prince Napoléon cite ce que Pradt a écrit en 1815 à propos de sa présence aux côtés de Napoléon pendant treize ans. Puis il ajoute : « Il veut faire croire à Louis XVIII que c’est par curiosité qu’il s’est fait placer auprès de l’Empereur. Est-ce le même sentiment de curiosité qui lui fait accepter, en 1806, l’évêché de Poitiers, puis l’archevêché de Malines, et successivement des gratifications de 40 à 50.000 francs ? Curiosité lucrative assurément et qui ne satisfait pas sa cupidité. »
Dans son ouvrage concernant l’ambassade à Varsovie, Pradt laisse entendre que, sans lui, Napoléon aurait été maître du monde. « Après le dégoût, écrit Plon-Plon, une telle infatuation ne pouvait provoquer que le sourire de l’Empereur. »Cela explique sans doute que, sur l’exemplaire en sa possession de l’ouvrage, l’empereur exilé ait ajouté : « Ah Monsieur l’abbé ! » Toujours à propos de cet ouvrage, le prince Napoléon rapporte aussi les déclarations faites par l’ex-Empereur à Las Cases : « C’est un bien méchant ouvrage contre moi, un véritable libelle dans lequel il m’accable de torts, d’injures, de calomnies, et […] il n’a fait que me faire rire, m’a vraiment amusé. » L’Empereur, lorsqu’il est revenu de Moscou et a traversé Varsovie, a chassé Pradt de son ambassade : « C’est ce que son amour-propre cherche à défigurer ou à venger ! » soutient le prince Napoléon. « Cette ridicule vanité, écrit Plon-Plon, qui ne consent jamais à avouer ses torts, malgré les échecs évidents d’une diplomatie inepte ou infidèle, amène M. de Pradt à se mettre constamment en scène. Il dédaigne la vérité, il défigure les paroles de son souverain ou il les invente. » Le prince Napoléon souligne encore que l’empereur déchu, en marge de certaines affirmations de Pradt, a écrit : « Faux et absurde ! »
Pour Plon-Plon, le rôle de Pradt en Pologne a été « néfaste ». Pradt rapporte dans son ouvrage les instructions qu’il a prétendument reçues de Napoléon. « Faux ! » a écrit son souverain en marge. De fait, les instructions données par l’Empereur à son ambassadeur ne sont pas celles que rapporte le baron Fain, secrétaire. Et Plon-Plon d’enfoncer le clou : « On peut saisir par là le procédé de falsification de cet abbé bel esprit. Sous sa plume vaniteuse et perfide, les paroles et les actes se transforment. La vérité est ce qui l’inquiète le moins. »
Quand l’Empereur s’est séparé de Pradt à Varsovie, le second, selon Plon Plon, s’est évidemment donné le beau rôle. Mais son successeur, Bignon, a rétabli la vérité (6). « Mais que dire de l’ambassadeur infidèle qui jette le cri de sauve qui peut ? s’interroge en conclusion le prince Napoléon. Que dire du prêtre qui, pour masquer sa défection, outrage le prince dont, pendant dix ans, il a sollicité les faveurs ? À la lecture de ces calomnies et de ces plates vantardises, qui ne comprend que Napoléon, le cœur gonflé d’amertume, ait laissé tomber les paroles sévères […] qui résument toute la physionomie de l’abbé de Pradt : “Misérable coquin !” » À propos de la mission de Pradt auprès du pape à Savone, le prince Napoléon écrit, sans expliquer plus avant, qu’il s’en est acquitté « maladroitement », et ajoute : « Sa conduite, dans les questions religieuses, fut toujours une suite de contradictions et de mensonges. » Plon-Plon dit encore que l’Empereur a toujours formellement nié avoir tenu les propos rapportés par Pradt concernant le concordat, des propos selon lesquels la plus grande faute de son règne aurait été d’avoir fait le Concordat.
Traître selon Plon-Plon à Louis XVIII comme à Napoléon, Pradt, après le retour de l’île d’Elbe, va présenter ses hommages à l’Empereur. Il est reçu froidement par ce dernier, en tout cas selon son neveu, qui cite les mémoires d’O’Meara, le médecin de Napoléon à Sainte-Hélène, mémoires selon lesquelles l’abbé « mérite qu’on lui donne le nom d’une fille de joie, qui prête son corps à tout le monde pour de l’argent ». Le prince Napoléon évoque ensuite ce qu’il appelle « une nouvelle incarnation de Pradt, lorsque celui-ci devient député de l’opposition et siège sur les bancs des libéraux, mêlant sa voix aux adversaires de la Restauration qu’il avait pourtant acclamée précédemment. Cette dernière palinodie, souligne le neveu de l’Empereur, lui attira le mépris de tous. »
(1) Biographie nouvelle des contemporains pour le dictionnaire historique et raisonné de tous les hommes qui vivent, depuis la révolution française, ont acquis de la célébrité par leurs actions, leurs écrits, leurs erreurs ou leurs crimes, soit en France, soit dans les pays étrangers, Librairie Historique, tome xviie, 1824, chapitre sur Dominique Dufour de Pradt.
(2) L’archidiocèse de Malines, à côté de Bruxelles, a été érigé par la bulle Super Universas (1559).
(3) Le comte polonais de Morski fait paraître en 1815 une réponse à l’ouvrage, réponse intitulée Lettre à l’abbé de Pradt, dans laquelle il cherche à venger ses compatriotes de quelques assertions hasardeuses.
(4) Parmi ces ouvrages, on peut citer : Du congrès de Vienne ; Mémoires historiques sur la révolution d’Espagne ; Des Progrès du gouvernement représentatif en France, session de 1817 ; Lettre à un électeur de Paris ; Des Colonies et de la révolution actuelle de l’Amérique ; Les Quatre concordats, suivi de considérations sur le gouvernement de l’Église en général, et sur l’Église de France en particulier, depuis 1515 ; Les Six derniers mois de l’Amérique et du Brésil ; L’Europe après le congrès d’Aix-la-Chapelle ; De l’Affaire de la loi des élections ; Petit catéchisme à l’usage des français sur les affaires de leur pays ; L’Europe et l’Amérique depuis le congrès d’Aix-la-Chapelle ; De la Grèce dans ses rapports avec l’Europe ; L’Europe et l’Amérique en 1821 ; Parallèle de la puissance anglaise et russe relativement à l’Europe ; La France, l’émigration et les colons, etc.
(5) Vatimesnil deviendra ministre de l’Instruction publique et Dupin, élu député et nommé ministre, jouera un rôle éminent sous la Monarchie de Juillet, la Deuxième République et le Second Empire.
(6) « En opposition avec ce récit fabriqué et arrangé en 1815 par M. de Pradt en présence de l’occupation étrangère, il existe un document d’une meilleure date, qui lui a d’avance donné le plus formel démenti. Ce document, c’est la lettre même par laquelle l’empereur Napoléon prescrit à son ministre des affaires étrangères de rappeler son ambassadeur à Varsovie, lettre portant la date du 11 décembre 1812, c’est-à-dire du lendemain du jour où avait eu lieu la conversation dont M. de Pradt a fait un si odieux travestissement. “J’ai été, écrit l’Empereur dans ce courrier, on ne peut plus étonné de tous les ridicules propos que m’a tenus l’abbé de Pradt pendant une heure ; je ne lui ai pas fait sentir. Il paraît qu’il n’a rien de ce qu’il faut pour la place qu’il remplit. Cet abbé n’a que l’esprit des livres. Vous pouvez le rappeler tout de suite, ou à notre arrivée à Paris, en l’envoyant dans son diocèse.” »
Pradtiana
Admirateur de Napoléon Bonaparte, Charles-Yves Cousin d’Avallon n’apprécie guère ses contempteurs, surtout lorsqu’ils l’ont servi (A). Sur Pradt, son ouvrage est intitulé Pradtiana (B). Dans la préface, il note avec humour : « Nous avons plus de cent abbés qui, au lieu de dire la messe, de chanter les vêpres et d’instruire les fidèles, ont trouvé beaucoup plus lucratif et plus amusant de disserter à tort et à travers sur les intérêts des princes et des peuples. »Parmi ces abbés, il faut « distinguer » M. de Pradt, auteur de « 25 à 30 vol. In-8° de conceptions politiques ».
(A) Né d’un père procureur au bailliage, Cousin d'Avallon (1769-1840) a publié de multiples ouvrages. Lire en particulier Bonapartiana ou Recueil des réponses ingénieuses et sublimes, actions héroïques et faits mémorables de Bonaparte, 1801, et aussi Résumé de la vie du prisonnier de Sainte-Hélène, contenant le récit de ses actions, depuis sa naissance jusqu’à sa mort arrivée dans cette île, d’après Las Cases, Montholon, Gourgaud, les médecins O’Méara, Antommarchi, etc, 1827.
(B) Pradtiana ou Recueil des pensées, réflexions et opinions politiques de M l’abbé de Pradt, entremêlé de quelques anecdotes aussi curieuses qu’amusantes, et précédé d’une notice biographique sur la vie et les ouvrages de cet écrivain politique, Paris, Plancher libraire, 1820.
Le jugement de l'Empereur
Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Napoléon déclare : « L’abbé de Pradt n’avait atteint à Varsovie aucun des buts qu’on se proposait ; il avait au contraire fait beaucoup de mal. Les bruits contre lui étaient accourus en foule au-devant de moi. Les auditeurs de son ambassade, les jeunes même, avaient été choqués de sa tenue, et furent jusqu’à l’accuser d’intelligence avec l’ennemi, ce que je fus loin de croire [souligné dans le texte]. » Sur l’ouvrage de Pradt, en marge du passage où l’auteur tente d’expliquer « la stupeur dans laquelle la nation polonaise resta plongée pendant toute la campagne de Russie », Napoléon a écrit : « Voilà la trahison de ce misérable ! »
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